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Ecole spirituelle et initiation.
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Maintenant qu'est-ce que l'initiation vient faire dans l'Ecole Soufie, ou les Ecoles Soufies ?  Quelle est sa signification et quelle est sa place ? 

Il faut d'abord comprendre ce que c'est qu'une école spirituelle.  Pour mieux le comprendre, imaginons un instant ceci : une personne a vécu longtemps loin de sa patrie d'origine, au point qu'elle n'en a plus qu'un lointain souvenir ; or, il vient un moment où elle en ressent l'appel, la nostalgie.  Elle désire la rejoindre, mais où est cette patrie ?  Où est le chemin qui y mène ?  Elle ne le sait plus.  Et dans quelle direction se trouve-t-elle ?  Elle l'ignore.  Que rencontrera-t-elle en route ?  Par où faudra-t-il qu'elle passe ?  Comment faire ?  Elle n'en a qu'une vague idée.  Cette patrie n'est pas si proche qu'on en voie la frontière de là où l'on se trouve.  Il faut donc passer par des lieux inconnus, par un autre pays. 

Vous vous demandez ce que cette comparaison géographique vient faire ici ?  Hé bien elle est là parce que c'est notre cas, chers Amis, et que c'est le cas de l'immense majorité des êtres qui, plus ou moins consciemment, plus ou moins clairement, sont attirés par ce que les religions appellent Dieu, notre source et notre origine, la racine de notre être, de notre vie et de notre conscience, autrement dit vers le Royaume de Dieu. 

Nous ne sommes pas prêts à entrer directement dans le Royaume de Dieu.  C'est une idée qui peut choquer certaines personnes : « Comment ?  Pourront-elles dire, alors je n'ai pas le droit d'entrer directement dans le Royaume de Dieu ?  N'est-il pas écrit dans l'Evangile que ce Royaume de Dieu est proche ?  J'estime que ma religion, ou ma philosophie, ou mon trajet personnel, tels que je les vis, sont suffisants.  Je n'ai aucune envie de passer par un royaume intermédiaire, comme vous dites, par un pays étranger ; je préfère y aller directement par mes propres moyens ! » Oui, mais vous remarquerez que ces personnes ne le font pas.  Elles s'imaginent pouvoir le faire.  Si une personne est réellement prête, en d'autres ternes, si le Royaume de Dieu est réellement proche pour elle, elle se précipite et n'attend pas, et elle y est.  Pour nous, chers Amis, serions-nous prêts que nous y serions déjà, et alors nous n'aurions pas besoin d'une école spirituelle, ce pays intermédiaire dont on nous dit qu'il est utile de le traverser pour arriver à notre patrie, le Royaume de Dieu. 

D'ailleurs, l'Evangile, par la bouche de Saint-Jean Baptiste, ne dit pas simplement : « le Royaume de Dieu est proche », l'Evangile dit : « Repentez-vous, car le Royaume de Dieu est proche ».  Que signifie « repentez-vous » ?  Simplement se repentir de quelque faute ?  Alors toute personne qui regrette sincèrement ses fautes passées serait déjà sur le point d'être libérée, Dieu-réalisée, comme dit Murshid ?  Force est de constater que ce n'est pas non plus le cas, sauf, peut-être, rarissime exception.

Mais alors qu'est-ce qui se passe dans une école spirituelle, soufie ou non ?  A quoi devons-nous nous attendre de sa part ?  Devrait-elle nous apprendre à mieux nous repentir ?  Serait-ce sa manière de nous aider à avancer vers notre destination ?  Oui certes, à condition que l'on comprenne à quel repentir Saint-Jean Baptiste a fait allusion.  Ce repentir est en réalité transformation de soi, changement pour le mieux.  Examinons de plus près les choses.

Une école spirituelle, avons-nous dit est donc semblable à un nouveau pays qu'il faut traverser.  Et comme en arrivant dans un pays étranger, nous devons apprendre la langue et nous conformer aux mœurs de ce pays, ainsi dans une école spirituelle, (et en ce qui nous concerne, l'Ecole Soufie) nous avons un certain apprentissage à faire.  En quoi consiste-t-il ?  A apprendre quelque chose de nouveau ?  Non pas.  Et c'est là que ma comparaison géographique s'arrête.  Il faut seulement qu'on nous aide à développer certains aspects de nous-mêmes qui étaient jusque-là peu développée ou dormants.

Murshid nous dit :

« Il y a trois facultés que le maître considère comme essentielles à développer chez le disciple ou à lui montrer, l'approfondissement de la sympathie, le chemin de l'harmonie, et l'éveil de l'esprit de beauté ».

« La particularité de l'Ecole Soufie est qu'elle utilise l'humanité comme chemin principal pour l'avancement spirituel.... Le Soufi pense que la première chose dans la vie est pour l'homme de prouver à sa conscience jusqu'à quel point il peut être humain.  Ce n'est pas seulement un développement spirituel, c'est la culture de l'humanité...

Il n'est pas nécessaire pour le Soufi de chercher les endroits désertiques pour sa méditation, car une partie de son travail, il peut l'accomplir au milieu de sa vie dans le monde....  On peut expliquer en quelques mots la vie qu'un soufi doit mener.  Il y a beaucoup de choses dans la vie d'un soufi, mais la plus grande est d'avoir tendance à l'amitié, exprimée sous forme de tolérance et de pardon, sous forme de service et de confiance ; sous quelque forme que ce soit, il peut exprimer ce thème central, ce désir constant de prouver son amour pour l'humanité, de montrer qu'il est l'ami de tous ».

Voilà la façon qu'ont les Soufis de considérer le repentir dont parle l'Evangile de Saint-Matthieu : se repentir signifie ne pas rester dans l'état antérieur, ne pas continuer à y tourner en rond, changer de manière d'être, de penser, de sentir. 

Et puis il y a encore d'autres qualités à développer, notre Maître nous dit aussi :

« Pour le chemin du mysticisme, l'humilité est absolument nécessaire.  On peut bien dire : `Pourquoi m'abaisserais-je devant l'homme ?  ' Devant Dieu il semble raisonnable que l'homme doive s'abaisser, qu'il doive adorer et offrir un culte ; mais vous pourriez dire : `Pourquoi devrais-je m'humilier devant un autre ? 

Pourtant en réalité il n'y a pas `un autre'.  Nous sommes tous le même, l'Être Unique.  C'est notre illusion qui nous fait voir un autre.  En réalité l'autre n'est pas un autre, mais le même.  Nous venons tous de Dieu ».

Toutes ces qualités, et encore d'autres, nous n'avons pas à les « apprendre » ; elles sont déjà en nous à l'état latent, car elles sont l'héritage de la race humaine.  Il faut seulement les dégager, les développer.  De quelle manière ?  En vivant aussi bien qu'on le peut au contact des autres et en passant de la bonne façon par les multiples circonstances de la vie, en bref, grâce à ce que Murshid appelle « la culture de l'humanité ».

Est-ce tout ?  Non pas.  On peut apprendre en outre dans cette école à entrer au contact avec ce qu'il y a de profond en nous, en d'autres termes avec la vie intérieure.  Car l'Evangile nous dit aussi que le Royaume de Dieu est « au-dedans » de nous, qu'il est « proche », et non pas seulement cette région géographiquement éloignée dont je n'ai parlé que pour employer une image commode. 

Maintenant que nous avons exposé ces quelques idées concernant l'Ecole soufie, il sera plus facile de toucher le sujet de l'initiation.

En reprenant notre comparaison d'une école spirituelle comme un pays à traverser pour arriver à notre destination, au Royaume de Dieu, un premier aspect de l'initiation peut être vu comme le passeport qui nous permet d'y entrer, et de bénéficier de l'asile, de la protection et des aides qu'on peut y trouver.  C'est un premier sens du mot initiation.  Mais passer par un pays étranger demande aussi une décision de la part du voyageur, il ne suffit pas qu'il ait les papiers nécessaires en poche, il faut aussi qu'il se donne le mal de passer la frontière.  De même, pour bénéficier des aides offertes dans une école spirituelle, il faut décision et esprit d'entreprise.  C'est un point que nous verrons développer quand nous lirons les textes de notre Maître qui a insisté sur ce point.

Et puis nous avons parlé de changement, de changement de point de vue, de manière d'être, de sentir, de penser.  Ce changement a souvent été comparé à la mue d'un serpent.  Quand le serpent doit grandir, il mue, il change de peau.  Quelle est la peau qui s'en va ?  Une des carapaces de l'ego, de notre ego. 

Vous savez que Murshid nous dit que les Soufis distinguent plusieurs formes d'egos, de carapaces qui entourent l'ego véritable, l'ego spirituel de l'être humain.  Suivant la carapace qu'il porte, un être montrera l'ego le plus grossier, le plus brutal, que les Soufis appellent le nafs ammara , ou bien un ego plus évolué, le nafs moutma'ina, lorsqu'il commence à examiner sa conduite et ses pensées et cherche à mieux faire, etc., jusqu'à l'ego le plus évolué, qu'on pourrait appeler l'ego sacrificiel, nafs salima, qui, lui, permet d'atteindre enfin le but divin de l'âme. 

Ainsi de carapace en carapace, de mue en mue, l'être humain arrive à sa dimension véritable, celle qui accomplit l'Intention divine, celle que notre Murshid nous a montrée grâce à ce qu'il était lui-même.

Voilà, chers amis, un second aspect de l'initiation.

Mais nous avons parlé d'aspects particuliers de la guidance divine œuvrant à travers ces initiations.  Pourquoi ?  Parce que, au moins pour ce que Murshid nomme les trois premières, elles passent par d'autres êtres humains, qui agissent comme canaux, pleinement conscients ou non, de la guidance divine.  Quant aux autres initiations, elles viennent directement d'en-haut, des sphères spirituelles.  Cependant, en ce qui concerne ces initiations-là, l'adepte en a toujours pleine conscience et elles viennent souvent sous une forme définie, nous dit Murshid.  Mais nous verrons encore tout cela dans les lectures qui vont suivre. 

Chers Amis, l'imitation du Maître, l'enseignement du Maître qu'on tâche de mettre en pratique, n'est-ce pas ce que toutes les écoles spirituelles, qu'elles soient d'Orient ou d'Occident, ont considéré comme étant la meilleure manière de commencer cette ascension vers le Royaume de Dieu à laquelle nous sommes conviés ?  Une ascension que nous tâchons vaille que vaille de commencer et de continuer.  Une ascension au cours de laquelle ces séminaires sont un peu comme des refuges de montagne, où l'on se réconforte et où l'on se conforte l'un l'autre par la chaleur de l'amitié, par notre bonne volonté et par notre propre et mutuelle aspiration.

Et qu'à cela Dieu, la Guidance divine, et notre Murshid, nous vienne en aide.

 

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Michel Guillaume       L'initiation

 

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