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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


LA SPIRITUALITÉ ACCORD DU CŒUR
Le Front Souriant
Chapitre 35
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

Avant de parler de spiritualité je dois d'abord expliquer ce que j'entends par là. Il y a des gens qui considèrent la spiritualité comme étant l'orthodoxie ou la piété; comme le fait d'être religieux, d'être prêtre, moine, ermite, de jeûner ou de mener une vie selon une certaine discipline, d'adopter une certaine forme de culte. Quelqu'un peut avoir toutes ces formes extérieures sans être spirituel, et quelqu'un d'autre peut n'avoir aucune de celles-ci et être spirituel. Ceux qui cherchent la spiritualité dans de telles manifestations extérieures se trompent car c'est plus que cela; la vraie spiritualité consiste en la conscience spirituelle. Être spirituel veut dire être conscient de l'esprit, comme une personne matérielle signifie une personne consciente de la matière. Ainsi ce n'est pas la religion, l'orthodoxie, les manifestations extérieures ou un certain mode de vie qui signifient une vie spirituelle; c'est être conscient de l'esprit qui rend quelqu'un spirituel.

 

Il y en a d'autres qui pensent que ceux qui produisent des phénomènes, des miracles, qui font des merveilles, sont spirituels. Il n'en est pas ainsi. Beaucoup de ceux qui sont capables de produire des phénomènes ne sont pas différents des magiciens. Et puis d'autres prétendent qu'être spirituel signifie dire la bonne aventure, ou être clairvoyant, ou voir des choses merveilleuses. Il n'est pas nécessaire de voir ou de faire des choses merveilleuses pour être spirituel. D'autres encore imaginent qu'être spirituel veut dire habiter dans des grottes ou dans des montagnes, ou errer dans des forêts, ou bien apparaître et disparaître. Toutes ces choses ne sont que des fantaisies de l'imagination. Être spirituel veut dire être soi-même, être son être naturel.

 

Combien d'entre nous sont eux-mêmes? Si nous étions nous-mêmes, nous serions tous spirituels. Nous ne sommes pas nous-mêmes, nous en sommes loin. Un grand poète indien a ainsi exprimé cette idée: "A part le fait d'accomplir des choses, pour un homme être un homme est la chose la plus difficile". Il veut dire que pour un être humain, être un homme est la plus grande difficulté. Il est né comme être humain; néanmoins la première chose qu'il devrait être est ce qu'il n'est pas; il est n'importe quoi sauf un être humain. Il est disposé à être notaire, docteur, professeur, mais devenir un être humain est la chose à laquelle il pense en dernier, et la plupart du temps il n'y pense même pas du tout.

 

Les gens disent que de nos jours il y a dans le monde une grande tendance vers la découverte de la vérité spirituelle, qu'il y a un éveil spirituel intérieur. Oui, je l'admets, mais quelle direction cela prend-il? Très souvent cela prend de mauvaises directions. Ceux qui cherchent la vérité pensent souvent que la meilleure voie pour trouver la foi dans l'esprit et l'au-delà est celle de la médiumnité: devenir eux-mêmes médiums ou trouver un médium, et que quand ils auront trouvé une preuve, de communiquer avec les morts. Ils penseront alors avoir trouvé la preuve du spirituel. Ils démolissent leur système nerveux, beaucoup perdent leur équilibre. De cette manière la voie qui prétendait conduire à la spiritualité conduit à la destruction.

 

Il y en a d'autres qui souhaitent poursuivre le spirituel en suivant le même chemin qu'un étudiant dans une université ou une grande école. Ils veulent tout étudier dans un livre. Ils pensent: "S'il y a une possibilité d'acquisition spirituelle, un livre doit nous la fournir". S'ils se rendaient à la bibliothèque et lisaient pendant toute leur vie tous les livres qui s'y trouvent, ils n'atteindraient pas la spiritualité car elle ne vient pas des livres. Lire aide quelquefois quelqu'un à s'éveiller; pourtant toute personne ne connaît pas la bonne manière de lire. Ce qui arrive aujourd'hui c'est qu'il y a des milliers et des milliers de gens qui lisent un livre, puis un autre et encore un autre jusqu'à ce que leur esprit soit si confus qu'ils ne savent plus que croire et ne pas croire. Parmi eux il y en a beaucoup qui pensent que la meilleure voie est la voie intellectuelle. Mais qu'est-ce qui est intellectuel? Lire est-il vraiment intellectuel? Tous les livres se valent-ils? Souvent ils ne font que rendre une personne confuse. Très souvent des livres contenant dix erreurs sur la même ligne embrouillent l'esprit d'une personne à tel point qu'elle ne sait plus où elle en est.

 

Des gens viennent souvent à moi - pour m'aider - et me disent de leur faire confiance car depuis dix ans ils lisent mes livres. En fait de confiance je dois les guider sur le chemin et effacer ce qu'ils avaient appris. Et sans doute ils ne sont pas disposés à l'effacer; ils pensent qu'ils ont acquis ce savoir en lisant mille livres. Quel savoir? Est-il spirituel?

 

En outre, la recherche intellectuelle leur donne très souvent l'idée qu'il existe tels êtres et tels mahatmas et tels saints dans les Himalayas, dans les grottes des montagnes. Ils n'imaginent jamais qu'une telle personne puisse se tenir au milieu des foules. Ils trouvent plus intéressant qu'elle se tienne en un lieu où nul ne peut l'atteindre. Ils pensent qu'elle ne peut être en train de dîner dans un restaurant: elle doit être dans une caverne des montagnes! Pensez donc! Pourquoi ce monde fut-il créé? Pourquoi sommes-nous nés dans ce monde, au milieu de ce monde, si ce monde n'est pas une école faite pour développer l'âme et arriver au degré qui constitue le but de la vie? L'homme a perdu confiance dans ses compagnons humains. Il attend la spiritualité des morts, des arbres, non des hommes. Il n'a pas confiance en ses frères.

 

D'autres sont intéressés par le sens du symbolisme: tel symbole particulier a tels sens, un autre apporte une grande révélation, un autre renferme un grand mystère. Où peut-on trouver la spiritualité? N'est-ce pas dans le cœur de l'homme? Au lieu de regarder dans leur propre cœur les gens veulent explorer différents lieux ou examiner certains symboles; certes ces symboles l'expriment, mais le chemin direct est à l'intérieur de soi-même.

 

J'ai fait un jour une expérience amusante. Voyageant en Angleterre près de Bournemouth, je fus conduit à un endroit où l'on me dit que je devrai parler. On me dit que c'était un endroit très important; ainsi j'y allai. L'homme qui m'y conduisait dit: "Maintenant, ici, dans ce coin, vous pouvez sentir que là se trouve LE SECRET!". Imaginez cela; à cet endroit il y avait l'Esprit, non pas dans un homme!

 

Ceux qui font profession de spiritualité prennent avantage de l'ignorance des gens; ils la satisfont, ils la nourrissent, ils disent à tout un chacun: "Vous êtes médium". Ceux qui en font un métier disent à chacun: "Venez, soyez plus imaginatif, plus superstitieux!". Ils nourrissent ainsi la curiosité. Est-ce que cela mène quelque part? Sur cette voie les gens s'égarent et ils n'atteindront jamais la spiritualité. Et l'on trouve cela partout.

 

Venons-en maintenant au sujet réel, à savoir la différence entre l'esprit et la matière. Un jour, un jeune Italien qui ne croyait ni à Dieu ni à l'âme voyageait avec moi dans le même bateau; et il pensait que j'étais sans doute prêtre. Il demanda: "Croyez-vous en quelque chose?" - "Oui", dis-je - "A quoi croyez-vous?" - "C'est impossible à dire", répondis-je. Comme il était de tendance opposante, il rétorqua: "Je ne crois à rien. Si je crois en quelque chose, c'est en la matière éternelle". Je répliquai: "Ma croyance n'est pas éloignée de la vôtre. Ce que vous nommez la matière éternelle, je l'appelle l'esprit éternel. Ce que vous nommez matière, je l'appelle esprit".

 

C'est une querelle de mots, le sens est le même. Ce qui est esprit est de la matière subtile et ce qui est matière est de l'esprit densifié. En d'autres termes il y a deux mots et il y a un seul sujet; appelez cela eau ou appelez-le neige; quand c'est cristallisé c'est de la neige et si vous ne voulez pas l'appeler eau, appelez-le neige. Si vous désirez faire une distinction vous pouvez l'appeler par les deux mots, il n'y a pas d'inconvénient à cela, c'est une question de choix. Si vous choisissez qu'il n'y ait pas de matière, ainsi que l'a toujours dit la "Christian Science", alors la matière est esprit de toute façon. Et si vous choisissez d’appeler l'esprit matière, alors l'esprit est matière tout de même. Si vous dites les deux choses c'est vrai aussi. La vérité est dans la compréhension, non dans l'expression.

 

Les gens ont rendu la vérité solide; ils ont enseigné et combattu et ne sont arrivés à rien. Très souvent ceux qui n'ont pas compris un sujet argumentent pour la raison qu'ils désirent le connaître, mais ils ne désirent pas le connaître par une voie honnête. Leur manière consiste à argumenter; de cette façon ils parviennent à connaître aussi l'idée de l'autre; ils s'opposent à l'autre pour entendre ce qu'il a à dire; c'est une sorte de vol. Ils ont soif de discussion; mais celui qui ne veut pas comprendre ne comprendra jamais, aussi forte que soit la vérité. Celui qui comprend, vous lui parlez et il comprend. C'est une affaire d'évolution.

 

En outre il y a en chacun une tendance à penser: "L'autre doit voir les choses comme je les vois. Puisque c'est un ami, (ou une épouse, un mari, un frère, une sœur ou un compagnon) il doit comprendre les choses comme moi". Mais c'est impossible. Peut-être sont-ils à des stades différents d'évolution; ils ne peuvent pas comprendre; laissez-les tranquilles! Pour certains il est bon de dormir, pour d'autres il est bon de s'éveiller. Il n'y a aucune vertu à réveiller tout le monde; c'est le plus grand crime d'éveiller ceux qui doivent dormir. Rendre tout un chacun spirituel n'est pas une juste mission. Le mieux est d'aider une personne où qu'elle soit et de ne pas essayer de l'amener à un certain degré. Elle y viendra naturellement; la mettre sur la bonne voie est suffisant. Souvent les gens qui s'intéressent à la spiritualité insistent pour y pousser leur entourage. Ils font erreur; ceux qu'ils exhortent sont parfois plus spirituels. L'homme est un grand mystère et nous en savons si peu à son sujet!

 

J'ai voyagé aux Indes pendant neuf ans à la recherche d'êtres illuminés, des hommes sages de l'Orient. Vous seriez surpris d'apprendre à quel point sont diverses les âmes illuminées, qui vivent sous l'apparence d'un individu ordinaire, si bien que personne ne peut jamais les distinguer comme différents des autres. Beaucoup se comportent de la même manière que tout un chacun, se tenant aux mêmes endroits, disant les mêmes choses que dirait quiconque; ils ne montrent aucune différence dans leur apparence extérieure, dans leurs paroles ou leurs prétentions. Cependant, si vous pouviez voir ces grands êtres intérieurement, ils sont aussi différents des autres que le ciel est différent de la terre.

 

Je vous raconterai quelque chose concernant mon propre maître. J'ai rencontré un jour un savant, docteur en philosophie, ayant de nombreux diplômes. Je lui parlai de l'aspect plus profond de la vie et cela l'intéressa tant qu'il pensa grand bien de moi. Je pensai donc: "Si je venais à lui parler de mon maître, comme ce serait plus intéressant pour lui. Si j'ai fait une telle impression sur cet homme, combien plus mon maître en fera sur lui, et combien il appréciera mon maître". Et je lui dis: "Il y a un homme extraordinaire dans cette ville; il n'est comparable à personne au monde" - "Vraiment? - dit-il - De telles personnes existent-elles? J'aimerais tant le voir, où habite-t-il?". Je lui répondis qu'il habitait à tel et tel endroit de la ville. "J'habite là aussi - dit-il - Quelle est sa maison? Je connais tout le monde dans ce quartier. Quel est son nom?". Je le lui dis et il répliqua: "Depuis vingt ans je connais cet homme, et vous me parlez de lui!". Je pensai: "En cent ans tu ne serais pas capable de le connaître". Il n'était pas prêt à le connaître.

 

Si les gens ne sont pas assez évolués ils ne peuvent apprécier les gens, ils ne peuvent les comprendre, ils ne peuvent comprendre les plus grandes âmes. Ils s'asseyent avec eux, ils leur parlent, ils ont contact pendant toute leur vie, mais ils ne les voient pas. Une autre personne, en un instant, si elle est prête, en bénéficiera. Imaginez, ce savant homme avait connu mon maître pendant vingt ans, et il ne le connaissait pas; je l'ai vu une fois et je devins son disciple pour toujours. On pourrait demander: "Cet homme n'était-il pas instruit, pas intelligent?". Si, il l'était. Alors qu'est-ce qui lui manquait? Il avait vu mon maître avec son cerveau, je l'avais vu avec mon cœur. Les gens recherchent la spiritualité avec leur cerveau: c'est là qu'ils se trompent. La spiritualité est atteinte par le cœur.

 

Que veux-je dire par le cœur? Est-ce le centre nerveux au milieu de la poitrine, le petit morceau de chair que les médecins nomment le cœur? Non, la définition du cœur est la profondeur du mental, le mental étant la surface du cœur. Ce qui, en nous, ressent est le cœur, ce qui pense est le mental. C'est la même faculté qui pense et ressent, mais l'orientation est différente; le sentiment vient de la profondeur, la pensée vient de la surface. Quand la pensée n'est pas reliée au sentiment, c'est exactement comme une plante sortant de la terre, dont la racine ne s'est pas enfoncée. Une pensée dépourvue de sentiment est une pensée impuissante; c'est tout comme une plante dépourvue de racine profonde. Un arbre dont la racine s'est enfoncée profondément dans la terre est plus fort, plus fiable et de même la pensée profondément enracinée dans le cœur a un plus grand pouvoir. Le cœur, donc, est le facteur par lequel les esprits et la spiritualité sont atteints.

 

Dans l'être de l'homme on peut distinguer trois aspects: le corps, le cœur et l'âme. Le cœur est un globe sur l'âme et le corps une enveloppe sur le cœur. On peut demander: l'âme est-elle si petite qu'elle puisse être recouverte par le cœur et le cœur est-il si petit qu'il puisse être recouvert par le corps? Il n'en est pas ainsi. L'âme est à l'intérieur et au-dehors à la fois. Par exemple une lumière est couverte par un globe et le globe par un abat-jour et cependant la lumière est-elle recouverte? Elle brille au dehors exactement de la même manière. La lumière n'est pas recouverte; elle semble être en dessous mais elle rayonne au dehors. Ainsi en est-il de l'âme. Le globe ne rayonne pas, mais la lumière prend la couleur du globe. C'est l'âme qui est la plus vaste; de même que la lumière est à l'intérieur du globe, l'âme est à l'intérieur du corps. C'est exactement comme la lumière dans le globe et le globe à l'intérieur de l'abat-jour. La lumière est visible hors de l'abat-jour et la puissance du globe rayonne à l'extérieur de l'abat-jour. Ainsi le pouvoir du cœur est plus grand que le pouvoir du corps et le pouvoir de l'âme est encore plus grand. Aussi longtemps que l'on ignore cela, l'on ne peut réaliser la vérité.

 

Imaginez quel pouvoir a la qualité du cœur. La si petite poule, quand elle est avec ses poussins et qu'un cheval ou un éléphant arrive, est prête à les combattre. Autrement elle se sauverait, mais avec ses petits elle est prête à combattre l'éléphant. A ce moment la qualité du cœur s'épanouit, elle devient sentiment; à ce moment son pouvoir est si grand que la petite poule est prête à combattre quiconque. Aux Indes on raconte l'histoire d'un chasseur et d'une biche qui, étant poursuivie par le chasseur, fuyait loin dans les bois. Quand elle arriva près de ses petits qui l'attendaient, elle ne courut pas plus loin, elle attendit le chasseur. Dès que la qualité du cœur fut éveillée en présence des petits elle n'eut plus peur.

 

Il n'y a rien que quelqu'un ne sacrifie, n'accomplisse ou n'affronte quand la qualité du cœur est éveillée. Toute lâcheté ou faiblesse, misère et malheur viennent quand la qualité du cœur est voilée et que l'homme commence à vivre dans son cerveau. Les lions deviennent des lapins quand ils n'ont pas un cœur de lion. Très peu de gens comprennent le pouvoir du cœur. Une fois que le cœur est éveillé, il n'y a rien que quelqu'un ne puisse accomplir. En plus de l'inspiration et de l'illumination, cela donne toute la force et tout le pouvoir dont on a besoin pour atteindre quoi que ce soit que l'on désire.

 

L'on pourrait demander: n'est-il pas naturel d'acquérir la spiritualité? Est-ce qu'elle ne vient pas sans aucun effort de notre part? Et si elle n'est pas naturelle, à quoi cela sert-il d'acquérir la spiritualité? Ce sont des arguments justes, et je répondrai que la spiritualité n'est pas seulement pour les êtres humains, mais aussi pour la création inférieure, pour tout être; non pas la spiritualité dans le sens où nous la comprenons, mais celle qui consiste à être en accord avec son diapason naturel. Même les oiseaux ont leurs moments d'exaltation; au coucher et au lever du soleil, à l'arrivée de l'aube, au clair de lune, il arrive un moment où les oiseaux et les animaux se sentent exaltés. Ils chantent, ils dansent, ils se perchent sur les branches des arbres en état d'exaltation; chaque jour ils ressentent cette joie exquise. Si nous allons plus avant et si nous avons des yeux pour voir la vie dans des formes sous lesquelles les autres ne la voient pas, dans le rocher, dans l'arbre, nous constaterons qu'il y a des moments où même les arbres sont en complet état d'extase. Ceux qui errent dans la nature, ouvrant les portes de leur cœur, ceux dont l'âme vient en contact avec la nature, découvrent que la nature chante, danse et communique.

 

Ce n'est pas seulement une légende, une histoire du passé, que les saints avaient l'habitude de parler avec les arbres. C'est un fait réel, il en est de même aujourd'hui qu'autrefois. Les âmes sont de la même nature, elles sont les mêmes. La seule différence est que nous sommes devenus incrédules, nous n'avons pas confiance dans la vie, nous sommes devenus matérialistes, nous avons fermé les yeux à ce qui se présente devant nous. Les âmes d'aujourd'hui peuvent devenir saintes et sages tout comme autrefois. Les étoiles ne sont-elles pas comme avant? Elles communiquent aussi aujourd'hui avec celui qui est capable de répondre à la nature. Mais nous nous sommes détournés de la nature, nous vivons dans un monde artificiel; nous n'avons pas confiance en nous-mêmes, pas de faculté de croire. Par suite, nous ne sommes pas seulement devenus matérialistes, nous sommes devenus matière. Ainsi ceux qui jamais ont atteint la spiritualité l'ont atteinte en éveillant la qualité du cœur.

 

De tout temps les Soufis, les mystiques de l'Inde, de la Perse et de l'Égypte ont considéré l'éveil de la qualité du cœur comme la chose principale dans la vie. Parmi toutes les vertus que le prêtre peut enseigner et prescrire, ces vertus que l'on exhorte quelqu'un à pratiquer dans la vie, viennent naturellement quand le cœur s'ouvre. Ensuite l'on n'a pas besoin d'apprendre la vertu, la vertu devient votre propre bien. Toutes les vertus, telles qu'elles sont enseignées par les gens, combien de temps durent-elles? S'il existe une vertu, elle doit venir d'elle-même; la spiritualité est naturelle. Et si les animaux et les oiseaux peuvent ressentir l'exaltation spirituelle, pourquoi pas nous? Mais nous ne vivons pas une vie naturelle. Nous avons essayé, dans notre civilisation, dans notre vie, d'être aussi éloignés de la nature que possible, respirant une atmosphère artificielle pour résister aux influences du climat, mangeant la nourriture que nous avons préparée et améliorée, la transformant en quelque chose de tout différent de ce que la nature avait fait et nous avait donné.

 

En outre, plus profondément nous allons dans la vie de la communauté, plus nous découvrons que nous ne sommes pas sur la voie où nous devrions être. Il semble que nous ayons perdu notre individualité. Nous avons appelé cela progrès - c'est un progrès vers une certaine situation - et là nous commençons à sentir que nous sommes dans un labyrinthe. Maintenant est venu le temps, et de plus en plus chaque jour, où les gens réfléchis, les gens sages qui sont justes et honnêtes réalisent: "Nous ne progressons pas, nous sommes dans un labyrinthe et nous cherchons la porte". J'ai parlé à un grand savant, et malgré tout son savoir, qu'a-t-il dit? "Nous ne savons pas où nous en sommes. Nous avons réalisé beaucoup d'inventions, mais nous ne savons pas comment les maîtriser pour le meilleur avantage de la vie".

 

Invention à part, la première question est: comment rendre notre vie la meilleure possible, comment tirer le meilleur parti de cette chance qui se présente à nous. Chaque moment perdu a incomparablement plus de valeur qu'une perte d'argent. A mesure que l'homme réalisera cela il arrivera de plus en plus à la conclusion qu'il a marché de plus en plus en imaginant qu'il progressait mais qu'il a tourné en rond dans le même labyrinthe. Si seulement il trouvait la porte, cette porte que le sage appelle la réalisation spirituelle! Aussi instruit que soit quelqu'un, quelque progrès qu'il ait fait, quelque pouvoir ou situation qu'il ait acquis, une seule chose est éternelle et c'est d'atteindre la spiritualité. Sans cela il n'y aura toujours qu'insatisfaction et sentiment de malaise. Aucune connaissance, aucun pouvoir, aucune situation ou fortune ne peut donner la satisfaction que l'accomplissement spirituel peut donner.

 

Il n'y a rien de plus facile et rien de plus difficile au monde; difficile parce que nous l'avons rendu difficile, facile parce que c'est la chose la plus aisée qui soit. Pour toute autre chose nous avons à acheter et à payer, même pour l'eau. Pour l'accomplissement spirituel nous n'avons pas besoin d'acquitter une taxe, il est nôtre, il est vôtre, vous le découvrez tout seul, vous le trouvez tout seul. Pourtant ce que l'on apprécie est ce qui demande de la difficulté. L'homme aime tant ce qui est complexe! Il rend lui-même un chose grande et dit ensuite: "Cela a de la valeur". Si c'est simple il dit: "Cela n'a pas de valeur". C'est pourquoi les peuples anciens, connaissant la nature humaine, disaient à une personne qui exprimait le désir de l'accomplissement spirituel: "Très bien; pendant dix ans, tournez autour du temple, marchez autour de lui tant de fois le matin et le soir. Allez jusqu'au Gange, prenez-en des pichets pleins pendant vingt ou cinquante ans, alors vous acquerrez l'inspiration". C'est ce qu'il faut faire avec les gens qui ne se satisfont pas d'une explication simple de la vérité, qui demandent la complexité.

 

Comme on m'a souvent demandé: "Montrez-nous une vérité tangible", je me suis moi-même demandé ce qu'il en serait si j'écrivais "VERITE" sur une petite brique et la donnais aux gens en leur disant: "Tenez-la ferme; voilà une vérité tangible". Les personnes subtiles, lorsqu'elles écrivent une lettre, espèrent que leur ami lira entre les lignes. Même les sentiments subtils du cœur humain ne peuvent être exprimés par des mots; comment dès lors quelqu'un peut-il espérer que la vérité soit dite en paroles? Ce qui peut être dit en paroles ne peut jamais être la vérité. Les gens ne distinguent pas la différence de signification entre un fait et la vérité; ils mélangent toujours la vérité avec le fait.

 

Souvent la plus grande erreur est commise quand une personne qui a une nature grossière ou insolente ou un cerveau de pierre dit: "Qu'est-ce que cela me fait, la façon dont quelqu'un prend les choses? Je dis simplement la vérité. Cela n'a aucune importance si quelqu'un en est blessé". Mais la vérité est la chose la plus subtile et la plus belle. Si l'on dit la vérité, doit-elle blesser? Si elle blesse quelqu'un, peut-elle être la vérité? La vérité doit élever une personne, doit l'éclairer, cela doit être la plus belle chose de la terre, harmonisant, élevant, inspirant; elle ne peut être nuisible. Si c'est la vérité, c'est la chose la plus chargée qui soit en pouvoir de guérison. Mais les gens interprètent la vérité sous forme de faits, et mélangent la vérité et le fait, exactement comme ils confondent plaisir avec bonheur.

 

Quand les gens sont contents, ils disent: "Je suis heureux" et quand ils sont heureux, ils disent: "Je suis content". Mais le plaisir est loin du bonheur. Une petite chose peut donner du plaisir, mais pour être heureux, l'on devrait atteindre un degré où règne le bonheur éternel. Le plaisir va et vient; c'est l'ombre du bonheur, ce n'est pas le bonheur.

 

De même manière les gens mélangent habileté et sagesse. D'une personne sage ils disent: "Quel habile homme" et d'un homme habile ils disent: "Comme il est sage". Une personne profane n'est pas sage, elle est habile, et un homme sage n'est pas nécessairement habile, malgré sa parfaite sagesse. L'habileté est l'ombre de la sagesse. La sagesse est lumière.

 

En Orient il est certain que les chercheurs de vérité à toutes les époques ont cherché la direction de ceux qui ont déjà acquis la connaissance du chemin, afin de marcher sur ce chemin sous leur conduite. Aujourd'hui quelqu'un arrive et dit: "Je ne souhaite suivre ni guide ni avis. Si un livre peut indiquer quelque chose, je le lirai. Dites-moi tout de suite ce que je dois faire et je le ferai". Imaginez! Quand il s'agit de développer votre voix, vous allez chez un professeur de chant et vous faites mille exercices la bouche ouverte et mille espèces de grimaces que vous n'auriez jamais aimé faire tout seul. Pour développer votre voix vous faites mille choses, qui ont l'air idiotes, pour pouvoir chanter un jour. Quelle comparaison y a-t-il entre l'accomplissement spirituel et le chant? Si bien chanter prend tant d'années de pratique et de concentration et de discipline sous la direction d'un professeur, comment un maître spirituel peut-il dire à la table d'un dîner ce que la spiritualité veut dire? Les gens demandent: "Pourriez-vous nous dire en un mot comment atteindre la spiritualité?". Est-ce une chose si simple?

 

Qui alors peut en parler et comment peut-elle être dite? C'est une chose à découvrir par soi-même. Le maître peut seulement mettre quelqu'un sur le chemin pour atteindre la réalisation qu'on appelle spiritualité. Il est certain que d'après l'idée des gens en Orient, la responsabilité du maître spirituel est encore plus grande que celle des parents à l'égard de leurs enfants. Dès l'instant de sa naissance, la pensée des parents est centrée sur le bien-être de l'enfant. Même lorsqu'il a grandi, l'enfant est le même dans le cœur des parents; ils s'intéressent à tout ce qu'il fait. L'enfant peut ne pas se soucier d'eux, ils comprendront. Il peut être au loin, néanmoins à distance le cœur de la mère désirera ardemment le bien-être de son enfant. Ainsi en est-il du maître. Le maître spirituel sous la conduite duquel l'élève s'est placé remplira pour lui le rôle à la fois du père et de la mère, et même davantage. Son bonheur est la religion du maître, c'est sa responsabilité spirituelle; pour le maître spirituel il n'y a pas d'autre religion. Il n'est pas nécessairement prêtre, tout son devoir est d'être plus qu'attentif au bonheur et au bien-être de ceux qui ont cherché sa direction, qui viennent sous sa guidance.

 

C'est ainsi que le service des grands êtres tels que Jésus-Christ, Bouddha, Moïse, Mohammed ou d'autres, qui sont venus d'âge en âge pour servir l'humanité, dans une faible ou une grande proportion, fut un service d'amour et d'affection destiné à élever l'humanité par leur propre exemple, leurs propres idées, leur propre amour. Ce qu'ils ont enseigné n'est pas aussi important que ce qui a été donné au-delà des mots en tant qu'amour et lumière. C'est le sacrement dans l'église, c'est la même chose sous forme d'amour et de sagesse. Ce qui est venu des paroles ou des livres, est très peu - c'est si simple!

 

Il n'y a pas de comparaison entre la Bible ou tel livre spirituel et un écrivain d'aujourd'hui, car la valeur du livre n'est pas dans la capacité de l'écrivain; sa valeur est dans la personnalité du maître. Les âmes admirables qui, de siècle en siècle, servent l'humanité, l'aidant à progresser, connues ou inconnues, oubliées par l'humanité ou gardées par elle en mémoire, ont fait leur devoir et le feront toujours. Ceux qui ont saisi l'occasion de bénéficier de leur savoir, de leur pensée, sont des êtres bénis.

 

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