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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Le pouvoir du silence (2)
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

La condition présente du monde et de l'humanité a atteint un stade où il ne semble pas y avoir de limite à l'activité. On se sert de plus en plus de la mécanisation dans la vie quotidienne pour la convenance et le confort de l'homme, de telle sorte que la vie humaine est devenue bien plus mécanique. Il semble qu'au moment présent il y en ait très peu dans le monde qui se rendent compte qu'en dehors de la nourriture et de l'eau, l'homme a besoin de quelque chose d'autre dont son âme est le réceptacle; quelque chose qui vaut en vérité davantage pour sa vie que la nourriture et la boisson matérielles. C'est la substance divine, cette substance partout répandue, qui est dans l'espace, partout et toute-pénétrante. Mais la nature humaine est telle qu'elle donne plus d'importance aux choses que l'homme désire dans la vie qui sont faites par l'homme, aux joyaux et aux pierres précieuses, qu'à l'eau pure et à l'air, qui sont indispensables à la vie et ne coûtent rien. L'Esprit divin, qui est l'essence même de l'entière création et qui est des plus nécessaire pour nourrir l'âme, on le trouve partout. Une vie naturelle permet à l'homme de recevoir inconsciemment dans son âme, dans son esprit, cette vie divine, mais la vie telle que nous la voyons aujourd'hui est loin de la nature. Les gens vivent dans des grandes villes, comme de pigeons dans un pigeonnier, au lieu de vivre dans les vastes espaces. En outre l'agitation de la vie a tellement augmenté qu'il y a des gens qui doivent travailler du matin au soir. D'autres, qui ne sont pas obligés de travailler prennent aussi l'habitude de travailler tout le temps. Sans travail ils ne peuvent se sentir en repos.

 

Et puis l'homme prend l'habitude de parler; il n'en est jamais fatigué; s'il ne peut pas parler la vie lui semble monotone. Avec le temps cela devient une sorte de passion et il ne trouve de soulagement qu'en parlant. Il trouve un sujet pour en parler, et s'il n'a aucun sujet alors il tombe dans le bavardage. Parfois l'on en rencontre des exemples très amusants. J'ai été amusé par le fait de commencer la conversation juste par un seul mot avec quelqu'un qui aimait beaucoup parler et ensuite en me taisant; ou bien en prenant le même point de vue qu'une personne, pour lui épargner la peine de discuter la question. Mais une telle personne n'est jamais contente, elle est ennuyée, parce qu'elle attend un point de vue contraire qui lui permettrait de discuter pour l'amour de la discussion. De tels gens prendront toujours un point de vue opposé, qu'ils y croient ou non. Il est très fréquent que quelqu'un prenne l'habitude d'avoir besoin de parler; que vous disiez quelque chose avec quoi il est d'accord ou non, il veut toujours dire quelque chose pour pouvoir parler davantage.

 

Dans l'Evangile on lit les mots du Christ contre les "vaines répétitions". Si l'on en comprend bien le sens, cela veut dire épargner les paroles. Souvent deux amis qui s'aiment réellement ne peuvent continuer leur amitié à cause de discussions et de malentendus. Et à quel point la tendance à parler donne-t-elle souvent une sorte de superficialité au caractère, comme dans une réunion où les gens parlent de choses sans la moindre importance, d'aucune utilité pour quiconque!

 

Un autre point à considérer est qu'avec ceux que nous rencontrons dans la vie, ceux que nous connaissons et ceux qui sont pour nous des étrangers, nous ne savons pas toujours jusqu'à quel point ils sont développés, de sorte que nous ignorons ce que nous pouvons dire et ce que nous ne devons pas dire. La vie dans le monde est enivrante, et dans le cours de la conversation les gens s'échauffent et disent des choses que plus tard ils sentent qu'ils aurait dû ne pas dire. Une personne bavarde peut dire à quelqu'un d'autre ses secrets sans le savoir et ensuite elle se repent. La discipline de soi est la leçon principale que l'on doit apprendre pour atteindre la maîtrise, et pour cela l'on doit pratiquer le silence.

 

Il y en a très peu en ce monde qui comprennent vraiment et qui connaissent la valeur du souffle qu'on respire. On ne respire pas seulement de l'air, mais les propriétés subtiles de l'air, qui sont rayonnement ou essence divine que l'on respire avec chaque souffle que l'on prend. Quand quelqu'un parle, il parle aux dépens de cette lumière qu'il amasse à travers la respiration. Vous constaterez toujours qu'une personne bavarde est faible des nerfs, irritable. Elle rend les autres irritables, agités. Souvent quelqu'un, en entrant dans une pièce sans dire un seul mot irrite tous ceux qui y sont assis. Pour quelle raison? Ce quelqu'un ne se tient pas en mains lui-même. Quand il ne contrôle pas ses nerfs, il est intérieurement irrité, et l'influence de ses vibrations s'étend, rendant toute l'atmosphère irritante. Il est étrange, et en même temps vrai, qu'il y a un grand progrès dans le monde médical en même temps qu'un accroissement des maladies. D'un point de vue physique on voit que la nervosité est une maladie commune; de sorte que personne ne l'observe, ne la remarque en tant que maladie. Il y a beaucoup de maladies dans le monde qui viennent de la nervosité.

 

Dans les temps anciens c'était le travail de la religion d'enseigner la concentration, la prière, la méditation, et dans cet esprit l'on enseignait le silence. Maintenant les choses sont différentes. L'habitude d'aller en retraite semble s'être évanouie. L'homme travaille toute la journée et quand il rentre le soir à la maison il se repose dans un fauteuil et pense à son travail. Il n'est jamais vraiment tranquille. Certes l'activité est un signe de vie, mais le silence est la vie elle-même.

 

Vous avez peut-être entendu parler de yogis en Orient qui vivaient très longtemps. Ils vivaient retirés et leurs âmes en étaient nourries, ils retenaient leur jeunesse plus longtemps que les autres. Les Arabes quelle que soit leur profession, prient cinq fois par jour et toute l'énergie dépensée en travaillant leur est rendue. Dans la langue des Hindous le souffle est appelé prâna, la vie-même. Chaque mot que l'on prononce dérobe cette vie qui est la partie la plus importante de notre être. Les sages de toutes les époques ont considéré l'économie des paroles la chose la plus sage. Dans l'ancienne religion des Chrétiens les moines avaient leur retraite, leur silence, et dans le silence ils entendaient la voix de Dieu.

 

Pour en venir au point de vue spirituel, l'homme est expressif et aussi réceptif. Il ne peut pas exprimer s'il n'a pas reçu. Devant l'homme il y a deux mondes dont il peut recevoir: un qui est devant lui, et un qu'il ne connaît pas. Pour l'homme ordinaire cet autre monde n'existe pas. Le croyant a lu les Ecritures et il a entendu qu'il y a deux mondes, et il croit qu'il en est ainsi et qu'un jour il fera l'expérience de l'autre monde. Mais pour connaître l'autre monde l'on n'a pas besoin d'attendre la venue de la mort. Il est manifeste, non pas quand les yeux et le cœur sont encore ouverts au monde extérieur, mais quand les yeux et le cœur sont fermés à ce monde. Cela peut être accompli par le silence. Mais si les nerfs sont sans repos, si l'on est toujours actif et qu'il n'y ait aucune tranquillité dans le cœur, comment la paix du monde intérieur pourrait-elle devenir manifeste pour l'humanité? La difficulté aujourd'hui est que chacun s'intéresse à apprendre des choses spirituelles dans les livres, tandis qu'il vaudrait mieux les apprendre de soi-même. Le silence est naturel à l'homme, mais comme il a été habitué à l'activité, il est devenu différent de ce qu'il était par nature. C'est pourquoi la manière du silence est apprise par les mystiques. Le procédé pour obtenir ce pouvoir qui est la paix du monde intérieur est appelé concentration, méditation ou de quelqu'autre nom comme le yoga. Plus on se rend compte de la valeur de cette paix qui est la vie même et tout bonheur, plus on voit à quel point sont moins importantes les autres choses comparées à cet état idéal.

 

La difficulté aujourd'hui n'est pas que l'homme ne souhaite pas atteindre cette paix ou développer la faculté d'intuition, mais qu'il ne peut pas garder le silence. S'il y avait une publicité disant qu'on pouvait donner facilement la paix éternelle, beaucoup de gens viendraient. Vous pourriez demander: "Est-ce que l'homme a perdu son pouvoir de persévérer?" Non, il n'en est pas ainsi. Il travaille pour son pain quotidien, parce qu'il est certain de son salaire, mais quand il s'embarque pour une destinée inconnue il doute, et après avoir fait quelques pas il doute à nouveau, se demandant: "Retournerai-je sur mes pas?" Ce qui manque est la foi. Sans foi, quel que soit son objectif, quoi qu'il entreprenne de matériel ou de spirituel, il ne peut pas l'accomplir.

 

La réalisation spirituelle est beaucoup moins difficile que la réalisation matérielle, parce qu'elle est dans l'homme lui-même. Il n'a pas besoin d'aller à sa poursuite, elle n'est pas loin de son atteinte. S'il y a une difficulté c'est seulement le manque de foi

 

 

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