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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


L'Entraînement Esotérique
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

 

L'entraînement ésotérique est aussi nécessaire que l'apprentissage du langage.  Tout enfant qui est né, si intelligent qu'il soit, doit apprendre le langage pour exprimer sa pensée.  Certains l'apprennent si parfaitement qu'ils deviennent de grands écrivains ou poètes ; et d'un autre côté il y en a beaucoup qui peuvent parler toute leur vie et cependant ne pas très bien comprendre ni s'exprimer parfaitement.

Ainsi en est-il de la soif innée pour la connaissance divine qui est l'aspiration de toute âme et qui s'éveille avec la maturité de l'intelligence.  La raison pour laquelle il y a tant de gens ignorants est que les occupations de la vie les absorbent ; de plus, la nature déroutante de la manifestation les illusionne.  Intéressé par le cinéma de cette vie momentanée, l'homme tourne à peine son attention vers cette tendance innée.

L'entraînement est le premier pas nécessaire dans la poursuite de la connaissance divine.  Celle-ci peut seulement être donnée par une nature accomplie, un maître de sagesse.  On peut comparer le chercheur à un homme qui voyage dans une contrée étrangère et s'enquiert de la route la plus proche pour ne pas se perdre.  On peut aussi le voir comme un voyageur à bord d'un bateau, qui est dépendant du capitaine pour le piloter.  C'est pourquoi chez les anciens mystiques l'on enseignait une discipline complète, et un esprit de respect et de gratitude était éveillé dans le cœur du disciple.  Quand il avait passé l'étape du déni de soi et de l'effacement, alors seulement il était initié comme disciple.  Ni argent ni pouvoir ne pouvait acheter cela.

C'est à nos ancêtres et à leurs recherches que nous devons la connaissance de tous les noms et formes ; toutes les inventions nouvelles ne sont que des améliorations des précédentes.  Tous les arts et toutes les sciences que connaît l'homme aujourd'hui ont été acquis à partir du magasin du passé.  Mais pour la moindre amélioration qu'il fait, l'homme réclame aussitôt le crédit de la totalité pour lui-même.  L'orfèvre devrait se souvenir de ce qu'il doit à l'explorateur de la mine d'or.  La louange pour tout ce qui est bon et beau est due à Allah seul, l'Etre Entier et l'Origine de Tout, Sa manifestation étant Lui-même.

Il est désirable d'initier ceux dont l'intelligence a assez mûri pour recevoir la connaissance divine, sans considération de caste, de classe ou de religion.  Il n'y a aucune raison pour qu'un mourîd ne se mette pas sous la direction d'un murshid.  L'homme est porté à penser qu'il a tout ce qu'il faut pour s'occuper de ses affaires et pour savoir ce qui vaut le mieux pour lui grâce à la petite expérience qu'il a glanée dans la vie.  Cette illusion est le produit de l'ego.  Comment un homme pourrait-il être une autorité pour lui-même, alors qu'il est sujet à se repentir demain de son action d'aujourd'hui ? Les êtres choisis de Dieu, aussi avancés qu'ils soient, sont toujours prêts à apprendre de tous ceux qu'ils rencontrent, sages ou stupides, vieux ou jeunes, bons ou méchants.  Cette tendance leur a révélé la divine Vérité que l'on peut apprendre même des bêtes, des oiseaux, des arbres et des rocs.  En vérité personne n'existe sauf l'Etre Unique sous le déguisement de moi, toi ou lui.

Sur le chemin un guide, un maître ou murshid est nécessaire.  Il ne doit pas y avoir de barrière de caste, de croyance, de race, de religion ou de nation entre murshid et mourîd, car la connaissance divine est l'héritage de l'homme, et, par conséquent, elle est son droit.  Cet entraînement n'est pas comme un cours universitaire, il est illimité.  On l'appelle suluk, morale et ceux qui le suivent sont appelés salik.  Cet entraînement enseigne l'amitié en ce monde, où l'amitié dans le vrai sens du terme est rarement constatée.  Celui qui a été entraîné à cette morale devient un être rare, un aimant, une pierre précieuse.  Les gens recherchent sa société et par lui le monde est béni.

Suluk commence par l'amitié entre murshid et mourîd et continue jusqu'à ce qu'elle s'étende à l'univers entier.  Ce n'est pas la conception habituelle de la relation entre Maître et disciple, et ce n'est pas non plus une relation entre un être spirituel et un être matériel, ni entre quelqu'un de sage et quelqu'un qui ne l'est pas.  Grâce à elle le murshid et le mourîd sont en réalité un seul.  L'inspirateur et l'inspiré sont tous ceux sur le même plan, au rang de l'humanité comme dans la lumière de Dieu.  Il peut y avoir un manque de la part du mourîd, mais c'est seulement pour un certain temps, à la fin tous deux s'unissent sur le même plan de conscience.  Le murshid ne donne pas l'entraînement à titre de don au mourîd, mais il éveille sa conscience en vue de la perfection.

En Orient le mourîd apprend la négation de soi, en ayant le plus grand respect et la plus grande vénération pour son murshid, tandis qu'un vrai murshid évite autant que possible l'hommage du monde.  L'entraînement ésotérique s'accomplit mieux grâce à la confiance, à la dévotion, à l'imitation et à l'association avec le murshid.  Pendant la période de l'entraînement chaque pensée, parole ou action du mourîd a besoin d'être corrigée.  L'entraînement consiste aussi en tasawwuf, métaphysique, qui est enseignée jusqu'à un certain degré par le murshid, mais plus tard se révèle d'elle-même au mourîd à mesure que son intelligence se développe.

L'association veut dire la présence du murshid sur tous les plans.  Par la confiance on veut dire la croyance ferme dans l'enseignement du murshid et une confiance parfaite dans sa direction.  La dévotion signifie l'amour et l'admiration pour les attributs humains vus et appréciés d'abord dans le murshid.  L'imitation signifie observer et suivre le murshid pas après pas et mouvement après mouvement dans chacune de ses pensées, de ses paroles et de ses actions.

L'amitié en Dieu est beaucoup plus grande que toutes les parentés et relations terrestres, car elle est éternelle.  Manquer à cela signifie empêchement dans le chemin de la perfection.

Le mourîd peut être béni par un regard de son murshid qui l'inspire et par ses bons souhaits, bien davantage que par la discussion ou l'argumentation.  Il y a des moments où le murshid est mû par la volonté divine d'inspirer le mourîd.  Le mental réceptif du mourîd, relié à celui du murshid, attend avec patience ce moment privilégié, inconnu et inattendu de la part de l'un comme de l'autre, car c'est l'action de Dieu, le seul Inspirateur de Sa manifestation.

Le murshid authentique est certain de la divinité de son message et le considère comme de sa plus grande responsabilité ; sa vie même est une ardente expression de son message.  Dieu est sa foi et la vérité est sa croyance.  Sa religion est constituée par l'harmonie et la réalisation de sa vie est la paix.  Il commence par contrôler le moi et ensuite il communique aux autres ce qu'il a lui-même pratiqué et éprouvé.  On reconnaît facilement un véritable murshid par le sentiment de bonheur, de calme et de paix que sa présence même rayonne.

Un murshid doit avoir une vision pénétrante des cinq éléments qui constituent le monde, visible et invisible.  Farid-ud-Din Attar l'a ainsi défini :

Respecter la fonction de murshid,
être vrai par rapport à son apparence de sage,
protéger ceux qui se réfugient sous sa direction,
être le guérisseur de toute maladie interne et externe,
être celui qui soulage de tous tracas et anxiétés,
celui qui respecte même ceux qui ne sont pas respectables,
 celui qui soutient l'impuissant, qui aide tous ceux qui sont dans le besoin.

Un mourîd désirable est celui qui a un désir ardent d'atteindre la plus haute béatitude de la réalisation de soi, étant libre de toute curiosité pour les phénomènes.  Ce mourîd est digne de confiance qui a d'abord pleine confiance en lui et ensuite dans la direction du murshid qu'il considère à la fois comme sa mère et comme son père.  Un esprit qui doute et une disposition changeante offrent très peu de chances de progrès.

Un mourîd devrait être prêt à passer par tous les tests et toutes les épreuves qui lui sont donnés pendant la période où il est guidé, les considérant comme nécessaires pour son avancement.  Il devrait avoir ou bien une attitude d'intense adoration, ou assez de patience pour une grande abstinence et une grande persévérance.  S’il ne possède aucune des deux, alors une grande intelligence est nécessaire pour acquérir l'illumination.

La première et la plus nécessaire acquisition pour le mourîd est un état mental stable.  Il doit considérer son voyage spirituel comme étant de bien plus grande importance que ses affaires mondaines.  Le désir d'acquérir des bénéfices terrestres à l'aide du pouvoir spirituel est un grand empêchement pour celui qui marche sur ce chemin.  L'abus des pouvoirs mystiques est des plus nocifs, et le mourîd doit cacher aux autres tous les enseignements aussi bien que leurs effets.  Toute démonstration de connaissance mystique, de pouvoir ou de révélation est aussi mauvaise que du poison pour un mourîd.  Il devrait éviter la compagnie de ceux qui sont d'un autre élément que lui.  Un habillement simple, une nourriture simple, des moments de solitude, le contrôle sur la pensée, les paroles et l'action, aussi bien qu'une recherche constante de la vérité sont nécessaires.

L'initiation est très nécessaire pour les Soufis.  Elle existait dès l'origine dans l'ancien Ordre des Soufis.  Par la suite, la coutume de l'initiation aussi bien que le lien de fraternité furent imités dans divers groupes de mystiques, et plusieurs Ordres mystiques de cette sorte apparurent, tout comme des religions diverses surgirent dans le passé.

L'initiation signifie l'entrée d'un étranger dans le lien de la fraternité humaine, de telle sorte que la considération habituelle pour les distinctions et différences terrestres qui séparent l'homme de l'homme soient abolies. 

A partir du moment de l'initiation, l'initié est appelé mourîd et il a droit à tous les principes les plus secrets du Soufisme, transmis depuis des âges d'un murshid à un autre.  Cette chaîne des murshids relie tous les maîtres et murshids passés.  Par conséquent, le Soufi n'a ni parti-pris ni aversion pour aucun d'entre eux, comme cela se voit chez les orthodoxes qui révèrent un seul maître en refusant tous les autres.  Le Soufi considère cette chaîne des maîtres et des murshids comme l'incorporation d'une seule et même vérité.

Il y a un grand avantage pour le mourîd dans cette initiation, parce qu'il reçoit le bénéfice de l'expérience collective des différents maîtres et murshids du passé.  Son âme est reliée par l'initiation au courant de lumière qui court à travers eux tous.  Un mourîd sincère peut toujours se rendre compte de ce courant à partir du moment de son initiation, quand toute obscurité est effacée.  Chacun de ses pas est ramené en arrière lorsqu'il s'égare et il est aidé et protégé par eux tous à chaque mouvement qu'il fait dans la vie.  Dans des rêves, des visions, des inspirations, des intuitions, des impressions et des révélations, et dans ses propres pensées et imaginations, un mourîd attentif perçoit une aide qui le guide vers la perfection.

Il est aussi indésirable d'être initié deux fois par des murshids différents que de changer d'une méthode pour une autre ou d'une école pour une autre.  Cela signifie un manque de fermeté d'esprit.  Un tel mourîd instable, après mille initiations, restera juste au point où il en était auparavant, et celui qui est stable atteindra en une seule initiation ce que l'autre n'aura pas pu atteindre en mille.  Cette étude vise l'unité, le but de ce chemin est l'unité.  Par conséquent, la diversité des méthodes et la variété des murshids conduit à la multiplicité qui est préjudiciable à l'atteinte de l'unité.

La recherche la plus élevée est si subtile que parfois le mourîd lui-même ne peut pas se rendre bien compte de ses progrès, parce que l'effet qu'a celui-ci est contraire à tous les autres progrès du monde objectif.  Dans ce dernier il y a un gain apparent, tandis que dans le premier il n'y a rien que perte.

Celui qui veut atteindre la paix de Dieu doit perdre son propre moi

(Zahir)

Il n'y a rien dans le monde invisible à observer ou à percevoir, sinon une obscurité de plus en plus grande qui est la paix éternelle de Dieu.  Ghazzali dit que la démarche spirituelle ressemble à une flèche tirée dans le noir ; vous ne savez pas d'où elle vient, ni qui elle frappe.

 

Aucun mourîd n'a le droit de guider les autres jusqu'à ce qu'il soit devenu lui-même un murshid, parce qu'un malade ne peut pas donner ses prescriptions à un autre, alors qu'elles ne peuvent lui convenir qu'à lui et non pas pour la maladie d'un autre.  S'aider soi-même est le principe à comprendre pour un mourîd, car dans la prétention d'aider quelqu'un d'autre il perd son temps précieux, ne gagnant par-là que l'orgueil et la suffisance.  On ne doit pas mésuser des pouvoirs mystiques en les utilisant pour des buts égoïstes ou indésirables.  Les révélations qui peuvent être accordées au mourîd doivent être gardées secrètes envers tous les autres excepté envers le murshid.  Il est très souhaitable pour un mourîd d'être aussi modeste que possible, car la moindre démonstration de spiritualité agit comme un poison dans sa vie.

 

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L'initiation

 

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