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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


LE LANGAGE UNIVERSEL
Le Palais des Miroirs
Chapitre 1
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

Dans la terminologie des poètes soufis, le monde des réflexions est appelé: A'ina Khana, ce qui signifie "Le Palais des Miroirs". C'est un phénomène de réflexions que l'on trouve non seulement parmi les humains, mais aussi dans la création moins évoluée. On se demande tout d'abord comment de minuscules germes, des larves, et des petits insectes, qui se nourrissent d'autres menues vies, attirent et atteignent leur nourriture. C'est que leur mental se reflète sur les animalcules, qui deviennent alors leur pâture. L'homme de science dit que les animaux n'ont pas de mental, ce qui, jusqu'à un certain point, est exact. Ils n'ont pas de mental tel que le scientifique l'entend dans sa terminologie, mais au regard du mystique la même intelligence qui est dans l'être humain se trouve aussi, à un degré moindre, chez les créatures moins évoluées. Celles-ci ont un mental, bien que moins clair; ainsi, comparativement, on pourrait considérer qu'elles n'en ont pas. Pour le mystique, toutefois, qui appelle le mental "miroir", le leur, tout en étant moins clair, est néanmoins un miroir.

 

L'amitié, l'hostilité, les combats entre les oiseaux et entre les autres animaux, leur accouplement, se produisent non pas par l'effet de la pensée ou de l'imagination, mais par le phénomène de la réflexion d'un miroir sur l'autre. Cela démontre que le langage de la création moins évoluée est plus naturel que celui fabriqué par l'homme, qui s'est éloigné de cette expression naturelle et intuitive.

 

Demandez à un cavalier quelle joie il éprouve à monter, et pourquoi il estime l'équitation préférable et plus réjouissante que toute autre forme de sport. Il ne le sait peut-être pas, mais la cause véritable est ce phénomène de réflexion: sa pensée touche le mental du cheval qui la reflète. Le mental de l'un converge vers l'autre, et le cheval sait où son cavalier veut aller. Plus il y a de sympathie entre eux, plus grande est la joie qu'ils éprouvent dans l'équitation. Au lieu de se sentir fatigué après une promenade à cheval, on exulte, on éprouve une joie supérieure à la lassitude. Plus la communication est intense entre le mental du cheval et celui de son cavalier, plus grande est la joie de ce dernier, et il en est de même pour le cheval qui commence à se sentir en sympathie avec lui.

 

Quand on voit des chevaux et d'autres animaux de cirque exécutant admirablement les ordres qui leur sont donnés, est-ce leur mental qui le leur a appris? Non, ils ne l'ont pas appris, et ce n'est pas l'effet de leur mental. Dès l'instant où l'homme au fouet se présente, la réflexion de son mental touche le mental des animaux. Livrés à eux-mêmes, ils ne travailleraient pas, ils n'en auraient pas l'idée. En Birmanie, des éléphants travaillent dans les forêts, portant de grands tronçons de bois. C'est la pensée de leur dresseur qui se projette sur eux et les fait travailler. Quand on étudie ceci de près, on découvre qu'il ne s'agit pas de dressage mais d'un phénomène de réflexion: ce que le mental de l'homme pense, les animaux l'exécutent. On pourrait dire qu'ils deviennent comme les mains et les jambes de leur maître. Ce sont deux êtres qui deviennent un par la pensée. Comme le dit un poète persan: "Quand deux cœurs deviennent un, ils se frayent un chemin à travers les montagnes". Une telle relation peut s'établir entre l'homme et l'animal, mais il est difficile de réaliser cette unité entre des êtres humains.

 

On raconte que, lorsque Daniel entra dans la fosse aux lions, ceux-ci furent instantanément apprivoisés. Était-ce par la volonté de Daniel? Non, c'était le calme et la paix de son cœur qui étaient reflétés sur les lions, les rendant doux comme lui. Sa paix devenait leur paix, ils devenaient pacifiques. La question se pose: "Après le départ de Daniel de la fosse, les lions restèrent-ils ainsi?"; on peut en douter. Quelque réminiscence leur restait peut-être, mais la prédisposition des fauves a dû se réveiller, et dès que Daniel eut quitté la fosse, les lions retrouvèrent leur nature propre.

 

Il arrive souvent que des oiseaux et des animaux domestiques avertissent une famille de la mort. On pourrait croire qu'ils trouvent cette connaissance quelque part, ou que c'est le produit de leur mental; mais il s'agit encore de réflexion. La condition de la personne qui meurt, les pensées de ceux qui l'entourent, l'état du cosmos à ce moment, de tout l'environnement et ce qu'il contient, se reflètent sur leur mental. Ainsi savent-ils, et commencent-ils à exprimer leur sentiment, devenant les avertisseurs de la mort prochaine.

 

Maintenant on peut se demander: "Si le monde est un Palais des Miroirs, les animaux projettent-ils aussi leur mental, leurs sentiments?". Certes. Parfois un être humain, en sympathie avec un animal domestique, ressent sans autre raison la même douleur que lui. L'animal ne peut pas expliquer qu'il a mal, mais son maître ressent combien il souffre. Dans certaines fermes, il se produit une chose curieuse: l'on voit des gardiens de troupeaux refléter les sentiments de leurs animaux. Ils émettent des cris, chantent et dansent de la même manière que le font les animaux, et ils montrent bien des traits de ressemblance avec eux.

 

Ce phénomène de réflexion entre l'homme et les animaux, qui se manifeste à celui qui le regarde attentivement, est très intéressant à observer car il nous explique que notre langage est un moyen extérieur par lequel nous communiquons entre nous, mais que le langage naturel, le vrai langage, est celui du reflet projeté et réfléchi de l'un à l'autre. C'est le langage universel; quand nous l'aurons compris, nous pourrons communiquer non seulement entre les humains, mais aussi avec la création moins évoluée. Ce n'est pas un conte, que les saints aux temps anciens parlaient avec les animaux, avec les oiseaux: c'est la vérité. Ils ne leur parlaient pas dans notre langue, mais dans cette langue naturelle par laquelle toutes les âmes communiquent.

 

On observe encore ce phénomène de réflexion dans les courses de taureaux en Espagne et dans les combats d'éléphants en Inde. Les éléphants se battent rarement dans la jungle. C'est le mental des spectateurs, désireux de voir le combat, qui stimule leur nature agressive, et c'est la projection de ce désir sur les animaux qui les incite à se battre dès qu'on les lâche. Des milliers de spectateurs s'attendent à voir un combat, et tant d'espoirs projetés sur ces pauvres bêtes leur donnent toute leur force et leur désir de se battre.

 

Il y a aussi le cas des charmeurs de serpents qui sont supposés faire sortir les reptiles de leur trou. C'est vrai qu'ils se servent de leur flûte, mais ce n'est pas toujours la musique qui attire les reptiles hors de leur trou: c'est le mental du charmeur qui se projette sur les serpents. La musique devient alors un prétexte, ou un auxiliaire.

 

Il y a aussi des gens qui savent, par magie, chasser certaines espèces de mouches d'une maison ou d'un jardin; et on a vu qu'en un seul jour, un homme a su chasser toutes les mouches d'un endroit: par la réflexion de son mental sur ces petites créatures au mental insignifiant.

 

Finalement il y a tant à apprendre! Les plus petites choses peuvent nous révéler les plus grands secrets de la vie, si seulement nos yeux sont ouverts, et si nous sommes ardents à observer ces phénomènes.

 

 

Question: Le pouvoir de chasser les mouches est-il le signe d'un mental puissant, ou est-ce l'effet d'un don particulier?

Réponse: Le pouvoir de toucher le mental des insectes prouve que l'on a un mental puissant; ce n'est pas une particularité. La force et la concentration du mental humain sont incomparables, et il est naturel qu'il projette sa pensée sur l'objet qu'il choisit. Seul peut faire converger son mental sur des mouches celui qui sait comment s'y prendre. Quelqu'un d'autre n'en serait pas capable, parce qu'en général il n'y pense pas; on ne s'imagine pas que ce serait possible; et comme on n'y croit pas, on ne peut pas concentrer son mental. Même si, juste pour faire une expérience, on arrivait à se concentrer, cela ne réussirait pas. La réflexion se fait automatiquement. Ceci est expliqué dans le Qur'an où il est dit: "Nous avons fait de l'homme le maître de la création". Cela signifie que tous les êtres autour de lui, petits ou grands, sont attirés par son magnétisme. Ils le respectent car il est le représentant de Dieu. Ils le savent inconsciemment, et s'y soumettent.

 

Question: Peut-on amplifier ce pouvoir de projection?

Réponse: Oui, on peut l'amplifier en augmentant la force de la volonté. On peut le développer par extension de la volonté et de la pensée, par approfondissement du sentiment, et par le pouvoir de la concentration.

 

Question: Quand quelqu'un a suffisamment de force de volonté pour toucher les serpents et les mouches, n'est-ce pas quelque chose de particulier, de sorte que sa volonté n'agit que dans ce domaine? N'a-t-il pas acquis ainsi un pouvoir spécial au dépend d'autres pouvoirs?

Réponse: Oui, on développe sa force de volonté en projetant sa pensée sur un certain objet de sa concentration. C'est pourquoi on réussit mieux dans ce domaine qu'en exerçant sa volonté ailleurs. Par exemple, les musiciens qui jouent des cuivres dans un orchestre développent le pouvoir de souffler, et ils seront ainsi capables de jouer des instruments à vent en bois: la flûte, la clarinette. Cependant, s'ils ont commencé à pratiquer le cor, ils en joueront mieux que de la flûte, car bien que les deux soient des instruments à vent, ils sont habitués à jouer du cor. Il en est de même pour la concentration. Si un charmeur de serpents s'installait dans une banque, et avec tout son pouvoir d'attirer les serpents, essayait d'attirer des portefeuilles, il n'y arriverait pas. Il sait attirer les serpents, mais pas les portefeuilles. Cependant, quand la force de la volonté est développée dans tous les domaines, l'on peut s'en servir dans tout ce que l'on fait.

 

Question: Si le mental est un miroir, comment pouvons-nous le rendre plus clair et plus fin?

Réponse: En menant une vie de bonté.

 

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