LE CŒUR,
MIROIR VIVANT |
Le phénomène de réflexion est tel que toute action et toute pensée sont reflétées sur nous, et deviennent ensuite productives. Ce qui se produit ainsi détermine dans notre vie une orientation, qui devient une source d'énergie pour tout ce que nous faisons, une batterie génératrice de force et de pensée. Le dicton: «Ce que l'homme EST en réalité parle plus fort que ce qu'il DIT», démontre qu'au milieu de ce phénomène de réflexion, chacun est exposé à tous les miroirs, que rien au monde n'est caché. Ce que l'on ne dit pas, on le réfléchit sur autrui, si bien qu'il n'y a pas de secret.
Les paroles de Salomon: «Il n'y a rien de nouveau sous le soleil», valent autant pour la nuit que pour le jour. Le soleil véritable est l'Intelligence, et dans la lumière de ce Soleil, les miroirs que sont les cœurs humains réfléchissent tout ce qui leur est présenté, sans qu'il y ait le moindre effort de la part de l'homme. De cette façon, tout souhait, qui est un désir profond, est exaucé tôt ou tard, parce qu'il devient vivant par le phénomène de la réflexion. Elle lui donne vie parce que ce n'est pas un miroir mort qui réfléchit, mais un miroir vivant: le cœur humain. Il n'est pas surprenant quand un maître de maison a envie de manger du poisson que son cuisinier ait le désir de lui en apporter, c'est naturel. De même, il n'est pas étonnant, si vous venez de penser à un ami, que ce dernier vienne inopinément à votre rencontre. A première vue, on ne pouvait pas s'y attendre, mais en profondeur, tout était prêt, car la réflexion de votre pensée, apparaissant dans le mental de votre ami, avait préparé votre rencontre.
Quelqu'un me demanda un jour: «Rencontrerons-nous dans l'au-delà ceux qui nous entourent ici?». Je lui répondis: «Oui, nous rencontrerons dans l'au-delà ceux que nous aimons et ceux que nous haïssons». Il était plutôt content du début de la réponse, mais très contrarié par la suite. Je lui expliquai encore: «Il y a deux êtres à qui vous pensez particulièrement: celui que vous aimez le mieux, et celui que vous détestez le plus. Vous ne pouvez vous empêcher de penser à eux. Soit que vous priiez pour l'ami, soit que vous maudissiez l'ennemi, vous pensez souvent aux deux, et ainsi vous les attirez tous deux. Le plus prodigieux est que, inopinément, vous rencontrerez ceux que vous aimez, comme ceux que vous détestez. Sans aucune intention de votre part, vous les attirez». Mon interlocuteur demanda: «Que faire alors?». Je lui dis: «Le mieux est de ne haïr personne, mais seulement d'aimer; c'est la seule solution. Dès que vous aurez pardonné à ceux que vous détestez, vous serez débarrassé d'eux. Vous n'aurez plus de raison de les haïr, vous les oublierez».
C'est encore le phénomène de réflexion que nous observons dans les succès et échecs des entreprises commerciales. Si une personne va voir quelqu'un pour conclure une affaire, son mental va se réfléchir sur lui. Si elle pense à un échec, l'échec se réfléchira sur l'autre. Tout ce qui les entoure va créer les conditions d'un échec. Si, par contre, quelqu'un se présente avec la pensée du succès, ce succès se réfléchira dans le cœur de tous ceux qu'il rencontre, et il n'en résultera que du succès. Par conséquent, ceux qui sont obsédés par l'idée de l'échec échoueront, et ceux qui sont empreints de celle du succès réussiront. L'histoire nous apprend qu'il y a des héros, des généraux, des rois, qui ont eu succès sur succès. Nous pouvons aussi trouver beaucoup d'exemples, dans la vie courante, de gens qui connaissent des séries d'échecs sans fin; tout ce qu'ils touchent se brise! Pourquoi en est-il ainsi? Parce qu'ils sont porteurs de destruction; elle est en eux, et ce qu'ils touchent n'en est que la réflexion.
Amir, le grand poète indien dit:
«Mes yeux! Vous possédez la lumière de Celui qui est parfait.
L'homme recherche continuellement une vision claire; il désire voir la lumière; pourtant, en couvrant son cœur, qui en lui possède la lumière divine, il se couvre les yeux, se privant de la vue. Nul ne peut enseigner à autrui à voir clairement, et on ne peut acquérir ce pouvoir. L'homme est voyant de par sa nature; s'il ne l'est pas, c'est surprenant.
Ceux qui savent voir voient non seulement l'individu qui se présente devant eux, mais sont capables de voir dix mille personnes qui se tiennent devant eux, toutes ensemble, en même temps, comme une multitude, et chaque individu séparément. C'est que plus le miroir s'élargit, plus il fait de la place pour les réflexions. C'est ainsi qu'en une seule personne, une multitude peut être réfléchie: cœurs, âmes et mentaux, tous en même temps. On commence sans doute par voir la réflexion d'un seul individu, mais à mesure que le cœur s'élargit, il reçoit la réflexion d'une multitude d'individus.
C'est là que se trouve le mystère de la hiérarchie spirituelle: c'est seulement par l'extension du cœur. N'entendons-nous pas souvent dire: «Je peux aimer une personne: celle à qui j'ai donné mon amour, mais je ne puis souffrir les autres». Telle est la limitation du cœur. Un autre dira: «Je peux aimer mes amis, ceux qui me sont familiers, avec lesquels je sens un contact, mais pas des personnes étrangères. Je ne puis les aimer, je me ferme à elles». Et, en effet, il se ferme. Il peut être capable d'amour, mais en présence d'étrangers, il emprisonne son cœur. A mesure que le cœur se libère de cette limitation, il s'élargit naturellement, car la dimension du cœur est plus vaste que l'on pourrait l'imaginer. Le poète Asif a dit:
«Si le cœur de l'homme s'épanouissait, il abriterait l'univers tout
entier,
Ce cœur qui peut tout contenir peut recevoir les réflexions de tous, car tout le processus de l'évolution consiste à s'élargir. S'élargir veut dire se libérer des limitations, et il en résulte que la vue devient plus claire.
Comment les mentaux de la multitude peuvent-ils être réfléchis dans le cœur? De la même façon que l'image d'un groupe est imprimée sur la pellicule photographique. Il peut y avoir une foule, la pellicule les reproduira tous. Si elle ne le peut pas, c'est qu'elle n'est pas assez grande. Le cœur aussi, comme la pellicule, est capable de recevoir cette réflexion; s'il ne le peut pas, c'est qu'il est trop limité, trop petit.
La vie entière est un phénomène de l'Intelligence absolue, c'est un monde de miroirs où tout est réfléchi. Quand nous y pensons profondément, nous constatons qu'en plein jour, nous fermons les yeux, et sommes endormis!
Question: Pourquoi prier, s'il est dans notre propre pouvoir d'obtenir succès ou échec? Réponse: Il est également de notre propre pouvoir de prier ou de ne pas prier. La prière est une sorte de travail. Libre à nous de le faire ou de ne pas le faire.
Question: Il y a cependant des gens qui vont d'échec en échec, et qui prient pourtant. Réponse: Il y a deux façons de prier: en profondeur et en surface. On peut faire ce que Jésus-Christ a appelé "de vaines répétitions", tout juste répéter les mots sans fixer sa pensée sur le sens de la prière. Mais si la prière a été entendue dans la profondeur du cœur, Dieu l'a entendue, car Dieu entend par les oreilles de l'homme. Ainsi, quand l'homme prie, à travers lui, Dieu l'entend.
Question: Si l'on n'est pas capable de prier ainsi en profondeur, comment l'apprendre? Réponse: Par la pratique. Si, par exemple, quelqu'un n'est pas capable de tracer une ligne droite, en s'y appliquant cent fois, mille fois, il s'habituera à bien le faire. Il en est de même pour la prière.
Question: Est-ce le cœur qui reflète le mental, ou est-ce le mental qui reflète le cœur? Réponse: Il faut savoir d'abord que le mental est la surface du cœur, et le cœur la profondeur du mental. Ainsi, cœur et mental sont une seule et même chose. En parlant d'un miroir: le mental est la surface du miroir, le cœur en est la profondeur. C'est le même miroir qui réfléchit. Le mot miroir est bien approprié, parce qu'il représente aussi bien le mental que le cœur. Si la réflexion est venue de la surface, elle touchera la surface; si elle est venue de la profondeur, elle atteindra la profondeur. C'est comme la voix: si la personne n'est pas sincère, la voix vient de la surface, et n'atteint que les oreilles; mais la voix d'une personne sincère vient de la profondeur, et pénètre en profondeur. Tout ce qui vient des profondeurs pénètre profondément, et ce qui vient de la surface demeure à la surface.
Question: Pourquoi est-il si facile pour certains êtres d'aimer, et pour d'autres de haïr? Réponse: C'est une question d'attitude. Celui qui a adopté une bonne attitude, une attitude harmonieuse, peut aimer naturellement; son désir spontané est d'aimer. Quand quelqu'un a adopté une mauvaise attitude, c'est-à-dire une attitude inharmonieuse, sa première impulsion est de haïr. Souvent de tels êtres commencent par haïr même la personne la meilleure, la plus estimable; par la suite, ils peuvent changer, ils peuvent se laisser conquérir.
Question: Si nous désirons obtenir quelque chose d'une autre personne avec beaucoup d'ardeur, ne la privons-nous pas de son libre choix en l'attirant dans notre direction? Réponse: Malheureusement, oui. Le mécanisme de la vie entière est tel que cela se produit, consciemment ou inconsciemment; toute la vie fonctionne de cette façon. Nous l'ignorons, mais derrière tous les mentaux, il y a un seul mental. Ce monde est le jeu des mentaux, et le Mental Unique le mène. Tout ce phénomène, alors, est un spectacle de marionnettes. A l'extérieur, il y a ces poupées qui dansent, se battent, se tuent, mais derrière tout cela, il y a une seule Personne qui les fait bouger. Le spectateur, qui est là pour voir la pièce, se réjouit, mais il ne voit pas l'Être Unique qui est derrière. Celui qui jouit le plus de la pièce est Celui qui crée le Tout.
Question: Qu'est donc le secret de cet «Unique», placé derrière ces marionnettes? Pourquoi fait-il de l'un un pécheur, et de l'autre un saint? Réponse: Blâmeriez-vous un écrivain qui, dans une pièce de théâtre, aurait donné un beau rôle à un acteur, tandis qu'un autre rôle serait bien moins enviable? S'il n'avait pas écrit les deux rôles, le drame n'aurait pas été complet. Que penser du musicien qui, du début à la fin, aurait construit toute sa composition sur une seule note? Il y a des notes hautes et des notes basses; ensemble elles rendent la musique complète. Il en est de même pour les personnages divers, qui, avec leur amour, leur haine, toutes leurs passions, composent ensemble la pièce de théâtre.
Question: Alors, Celui qui est derrière tout cela est engagé aussi bien envers le saint qu'envers le pécheur? Réponse: Oui. Il est tout à fait obligé envers les deux; il n'y a pas à en douter. La personne qui remue les marionnettes tient toutes leurs ficelles dans ses mains; elles sont entièrement dans ses doigts. Ses doigts éprouvent leurs joies et leurs peines; tandis que ses mains les font bouger, il les sent. L'image qui se présente extérieurement les montre comme étant séparés: le joueur étant différent des marionnettes. Mais si, de cette image, nous nous tournons vers la réalité, nous voyons que ces marionnettes sont de la même essence que le marionnettiste. Donc, leur relation réelle n'est pas celle des marionnettes et du marionnettiste dans le spectacle ordinaire. Leur relation dans la réalité est des plus intimes, il n'y a pas de distance. Je pourrais donner un autre exemple. En Orient, certaines personnes ont l'art de former des images sur un mur à l'aide de leurs mains qu'elles bougent devant une lampe. Elles savent produire toutes sortes de petits personnages. Les mouvements de leurs mains font surgir un roi, une reine, toute une histoire présentée par un seul homme. Nous ne le voyons pas. Ce que nous voyons, ce sont les ombres qu'il a produites sur le mur. Que sont-elles? Si elles représentent quelque chose d'indésirable, c'est lui qui l'a fabriqué, c'est toujours sa main. Si elles représentent quelque chose de désirable, c'est aussi sa main. S'il n'y avait pas de variété, l'histoire ne serait pas complète. Elle distrait les spectateurs, et donne grande satisfaction au joueur. Quand la pièce est finie, ses mains n'en sont pas affectées. Les ombres sont des ombres, ses mains restent toujours ses mains. Le jeu est temporaire, il passe.
Question: Pourquoi alors essayer de devenir des saints? Réponse: Parce que notre tendance profonde est de devenir des saints. Si quelqu'un avait un penchant à devenir pécheur, il ne serait pas invité à ce jeu. Mais il n'y a pas de réelle tendance à être pécheur. Si quelqu'un trouvait sa plus grande joie à être pécheur, je n'appellerais jamais cela un péché, je l'appellerais vertu. Mais cela n'existe pas. Ce n'est pas sa joie, son bonheur, ce n'est qu'une passion qui s'empare de lui, et cette passion le conduit à faire le mal. Après quoi, il n'est pas heureux; nulle âme ne trouve sa joie, à la longue, à faire le mal. Ce qui apporte joie et bonheur ne peut être le mal.
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