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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


 L’ÂME ET LA PERSONNALITÉ
Le Palais des Miroirs
Chapitre 9
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

Il y a beaucoup d'enseignements, doctrines, spéculations et idées sur l'au-delà. S'il y a quelque chose qui peut expliquer, en un mot, la nature et le caractère de l'au-delà, c'est la réflexion. Quel que soit le point de vue où l’on se place, il y a une seule explication, qui est la réflexion; que l'on se place du point de vue de celui qui croit au ciel ou à l'enfer après la mort, ou du point de vue de celui qui croit que la mort est suivie de la réincarnation. Il n'y a pas un lieu spécial, une ville par exemple, pour ceux qui ont accompli de bonnes œuvres, de sorte que tous les bons seraient dans une cité appelée Ciel ou Paradis, et un autre lieu pour ceux qui seraient condamnés à séjourner de l'autre côté.

 

D'abord, chaque individu a sa façon de considérer la vie; et telle sera son attitude envers la vie, et son optique à son égard, tel sera son au-delà. C'est pourquoi le ciel de l'un ne peut être le ciel de l'autre, de même que l'enfer de l'un ne saurait être l'enfer de l'autre. Comme des êtres différents ont des idéaux différents, de même chacun a son monde particulier. Quel est ce monde? Ce monde est son esprit. Que contient-il? Il contient tout ce que l'esprit contient.

 

L'âme est comme une plaque photographique qui peut recevoir la réflexion d'une personne ou d'un groupe, et peut contenir des milliers d'âmes. Cette plaque photographique est capable d'accueillir en elle-même la réflexion de tout un monde; il en est de même pour l'âme. On demandera: «Qu'est-ce que l'au-delà?». L'au-delà est pour chacun ce que son âme embrasse. Si son âme contient un ciel, son au-delà sera le ciel; si son âme contient autre chose, alors son au-delà sera cette autre chose.

 

Mais, dira-t-on: «Est-ce que l'âme ne revient pas comme réincarnation?». Oui, certainement, une âme se présente; mais quelle âme? Qui est cette âme? C'est une âme qui a reçu une réflexion, et c'est le reflet qui est la réincarnation. Alors on demandera: «Est-ce que cela ne rend pas tout aussi irréel qu'un théâtre d'ombres?». Mais qu'est-ce d'autre? Si ce n'est pas un jeu d'ombres, qu'est-ce? Si l'on trouve une réalité dans ce qui n'est pas réel, cela peut être consolant, l'on peut y trouver du réconfort pour quelques jours, mais l'irréalité reste l'irréalité, et finalement s'avérera non satisfaisante, parce qu'il n'y a de satisfaction que dans la connaissance de la Vérité. Si, provisoirement, il peut être satisfaisant de prendre l'irréalité pour la réalité, on peut continuer ainsi. Cependant, il faut reconnaître que, finalement, cela s'avère ne pas être vrai. Afin d'éviter une future déception, on doit découvrir cela le plus tôt possible dans la vie, si l'on est capable de saisir, et puis d'assimiler la Vérité ultime.

 

Quelle est la nature de l'âme qui fait l'expérience du ciel, ou de l'enfer, dans l'au-delà? Le propre de l'âme est de s'entourer de ce qu'elle a rassemblé. Ainsi que l'a dit le Christ: «Là où se trouve votre trésor, là se trouve votre cœur». Ainsi ce que l'âme a thésaurisé dans cette vie constituera son avenir.

 

Quelle différence y a-t-il entre ces deux idées bien distinctes? - Celle, que l'âme continue dans la roue des réincarnations, allant d'une vie à une autre; - et celle, qu'après la mort, l'âme fait l'expérience du ciel ou de l'enfer, et ainsi continue en se dirigeant vers Dieu. Ce sont seulement deux façons différentes de considérer une âme particulière. Celui qui appelle la personnalité «âme» voit que cette personnalité persiste lorsqu'elle passe d'un état à un autre; que la personnalité que l'on a connue n'a pas cessé d'exister dans le monde, mais se reproduit grâce à ses diverses réflexions. Quand on considère cette personnalité comme l'âme, on parle de la chaîne des réincarnations, l'une suivant l'autre. Mais celui qui considère l'âme comme indépendante de la personnalité, et voit la personnalité comme un habit de l'âme, et non pas comme l'âme elle-même, celui-là voit la condition présente de ce rayon de l'Intelligence divine, qui est venu dans le monde comme une âme. Il voit que ce rayon se projette et puis se retire. Il comprend que la projection est la manifestation, et que le retrait est le retour vers le but.

 

On dira: «N'y a-t-il rien qui reste de cette âme, quelque chose qui continue?». L'âme qui a accompli son voyage vers le but, a, certes, laissé quelque chose derrière elle. Quand le corps est abandonné à la terre, il lui advient quelque chose: ou bien il est dévoré par un seul animal, de sorte que cet animal ne fait plus qu'un avec lui, ou bien des insectes l'ont absorbé, de sorte qu'il continue à se manifester à travers eux. De toute façon, ce corps est devenu quelque chose. Toutefois, nous ne le considérons pas comme la personne. Nous disons: ceci était le corps de telle personne, qui a trépassé. Par conséquent, nous ne faisons pas grand cas de ce qui est arrivé à ce corps. Néanmoins, si nous étudions et analysons les différents états par lesquels le corps est passé, nous constaterons qu'il a donné forme à diverses créatures et objets: il est devenu engrais pour des fleurs, des plantes et des fruits, et a rejoint, directement ou indirectement, les animaux, les oiseaux. En plus, des vies minuscules, ainsi créées, sont allées loin, poussées par le vent, ont été respirées par beaucoup d'êtres, qui les ont absorbées dans le souffle ou dans l'eau. Si nous considérons tout cela, nous découvrons que rien de ce qui a été créé n'est jamais entièrement perdu. Il est seulement transformé, et ce changement le fait naître à une vie nouvelle. Par conséquent, la mort du corps n'est qu'une sorte d'illusion pour nos yeux, et derrière cette illusion, quelque chose s'est accompli qui va vers la continuation de la vie.

 

Maintenant, considérons ce que nous appelons le monde du mental, le monde de la personnalité. La personnalité est un autre habit de l'âme. Celle-ci aussi continue, comme le fait le corps, prenant d'innombrables formes. La personnalité, elle aussi, est soit absorbée par une seule âme sur son chemin, soit partagée entre plusieurs âmes venant de la source, et qui, arrivant à la manifestation, témoignent à la fois de cette même personnalité, car c'est d'elle-même qu'il s'agit. La chenille représente la fleur, l'arbre, la plante, dont elle a absorbé la réflexion: la chenille, devenue papillon, est comme la réincarnation de ce dont elle s'est imprégnée, et pourtant nous connaissons la chenille comme une entité, telle qu'elle nous apparaît. Quelqu'un qui représente une personnalité achevée a sûrement absorbé ce qui s'est réfléchi sur elle. En d'autres termes, elle reflète ce qu'elle a incorporé, ce qui a été projeté sur elle, ce qu'elle a emprunté à une autre personnalité; et c'est de cette personnalité qu'elle peut se prétendre la réincarnation.

 

Quant à l'âme, dont le corps est un habit, et la personnalité un autre habit, il s'agit seulement d'un rayon divin - bien qu'il soit difficile pour chaque esprit de comprendre que ce rayon soit une âme. Toutefois, si l'intuition et l'inspiration permettent à notre compréhension de saisir clairement cette idée, alors nous percevons une âme: non pas une personnalité, non pas un corps, mais une âme, une entité indépendante, toute seule, qui a été un ange et un djinn, qui passe à travers tous ces états, et qui rejoint finalement son origine, le seul but qui réside au fond de son cœur.

 

Le clairvoyant peut dire que toute cette manifestation qui se présente devant nous est un théâtre d'ombres: il se poursuit durant la nuit, et le matin tout est fini. On pourrait se demander: «S'il en est ainsi, que sommes-nous supposés faire? Si nous estimons que tout est irréel, il semble que nous ne puissions parvenir à rien; mais si nous ne le considérons pas comme irréel, alors nous restons en fait dans l'irréel sans pouvoir ouvrir nos yeux à ce qui est réel». Il faut tirer le meilleur parti de ce monde irréel, tout en tenant ferme la connaissance de la réalité, seul sauveur, en qui nous trouvons notre libération.

 

C'est la Vérité qui inspire, et c'est la Vérité qui sauve.

 

 

Question: Que pensez-vous de l'embaumement?

Réponse: Je n'y vois pas de signification particulière. Je pense que l'homme use parfois de voies artificielles pour empêcher la nature de jouer le rôle qui lui est propre. L'homme a emprunté son corps à la nature, il est juste qu'il le lui rende.

 

Question: Quel est le lien du mental avec le corps?

Réponse: Dans une certaine mesure, le mental est attaché au corps, même après avoir quitté ce monde. Mais plus l'âme s'est élevée, moins elle est attirée par le corps. Il est donc préférable de s'élever au-dessus des choses terrestres durant sa vie dans ce monde.

 

Question: Chaque âme constitue-t-elle un rayon individuel, ou est-ce que chaque rayon contient un faisceau d'âmes?

Réponse: Le mot «individu» même comporte une certaine illusion. L'homme pense, par exemple, que son corps est quelque chose de bien séparé. Il voit son corps même comme le signe de son individualité, et cependant, chaque atome de son corps a une vie individuelle, chaque cellule de son sang a sa vie propre, sa maladie, sa mort et sa naissance. Un médecin qui faisait de la recherche sur le sang m'avait un jour démontré que chaque cellule du sang est un être vivant qui peut être malade, qui peut mourir, et qui peut causer la mort d'autres cellules. L'enveloppe qu'est notre corps cache cela à nos yeux. Autant que nous puissions le voir, nous voyons le corps comme individu, mais combien d'individus portons-nous en nous?

Par ailleurs, une famille aussi a une sorte de signification individuelle; un pays, une nation, ont une apparence d'individualité, ainsi que le monde, ou une planète. Pourtant, comme toutes les cellules du corps forment ensemble le corps, ainsi nous faisons tous partie d'un pays; tous les pays font partie du monde, et la planète fait partie du cosmos. Qu'est-ce donc que l'individu? Il y a un seul individu. Aussi longtemps que nous le voyons ainsi, nous pouvons appeler «individu» tout ce que nous percevons distinctement. Quand nous voyons une entité éloignée du reste, exclusive, séparée, nous l'appelons un individu. Mais ce sont nos yeux qui la voient comme séparée, et il viendra un temps où nous ne la verrons plus comme une entité à part, mais comme reliée à tout ce qui existe. Ainsi le Soufi arrive tout naturellement, après avoir observé la vie d'une façon pénétrante, à ne voir qu'un Individu Unique, et toute existence, reflétée dans cet Individu Unique. C'est vers cette notion que nous devons tendre.

 

Question: Peut-on considérer la personnalité comme une image que l'âme projette afin de se manifester dans le monde extérieur?

Réponse: La personnalité est plutôt une image que l'âme réfléchit afin de se manifester sous cette forme; c'est une chose à laquelle l'âme prend part. Par exemple, quelqu'un fait un voyage; en route, il trouve de la neige, et il en est couvert. Il arrive ensuite en un lieu sec, mais il y a apporté la neige qui le couvrait. Telle est l'âme qui se manifeste. Elle a apporté avec elle une personnalité. C'est cette personnalité qui guide et dessine maintenant son destin dans le monde physique, qui construit sa forme. S'il faut donner un nom à ce que l'âme a apporté, c'est possible, mais à son origine, l'âme n'avait pas de personnalité, elle a débuté comme un rayon divin.

 

Question: L'âme continue-t-elle d'être un rayon divin séparé lorsqu'elle donne la vie à d'autres incarnations?

Réponse: Chaque incarnation est rendue vivante par un rayon nouveau, car l'action de l'âme n'est pas de sortir et de revenir à mi-chemin pour s'avancer de nouveau. Ce n'est pas ainsi non plus que fait le souffle. L'action de l'âme est la même que celle du souffle. Elle se manifeste pleinement, et se retire complètement. Chaque respiration doit toucher le tréfonds de notre être afin que nous existions, car la vie n'est pas possible sans que nous soyons rechargés à chaque instant par l'esprit, au plus profond de nous, et chaque respiration atteint cette profondeur; autrement, nous ne pourrions pas vivre. Nous croyons que c'est la nourriture, ou les choses extérieures, qui nous gardent en vie, mais en réalité, c'est la vie de Dieu que nous absorbons à chaque instant.

 

Question: La personnalité dont vous parlez continue-t-elle dans l'au-delà, de la même façon que les sentiments et les pensées?

Réponse: Certes, mais vous pouvez considérer cela de deux points de vue différents. Le premier est que notre corps demeure avec nous tant que nous vivons, et l'autre est que, en nous coupant les ongles ou les cheveux, une partie de ce corps est séparée de nous. Cette partie coupée n'est pas perdue, elle n'est pas détruite, mais nous ne nous soucions pas de savoir où elle est allée et ce qu'elle est devenue. Il en est de même pour chaque pensée et chaque sentiment. Parfois les pensées deviennent des êtres qui vivent, comme des créatures vivantes. Elles travaillent pour vous, ou contre vous.

Le monde est un lieu où rien n'est perdu. Tout continue, et est seulement modifié. Un doigt ou une jambe amputés continuent d'exister, et il en est ainsi de tout ce qui a été séparé du mental. Partis dans les autres sphères, leur vie continue. Comme les parents savent que leurs enfants continuent leur existence après eux, ainsi chaque pensée, et chaque sentiment, continuent de vivre dans la sphère mentale. Si nous perdons un doigt ou une jambe, nous ne perdons pas notre corps, nous continuons de vivre. De même, tandis que les pensées et les sentiments poursuivent leurs vies individuelles, l'homme ne perd pas son individualité après la mort. Sa personnalité constitue son au-delà.

 

Question: Alors l'expression «une âme ancienne» est fausse, puisque chaque âme est une âme nouvelle?

Réponse: Au lieu de dire «une personnalité ancienne», on dit «une âme ancienne». Il vaut mieux parler d'une «personnalité ancienne». L'âme, telle que nous la reconnaissons, est revêtue d'une «personnalité», de sorte qu'ordinairement nous appelons la personnalité «âme».

 

Question: Arrive-t-il à la personnalité la même chose qu'au corps, après la mort?

Réponse: Le corps est une substance, il est englouti et absorbé. La personnalité est une image, elle se réfléchit dans le monde mental. De même que la réflexion d'une personne sur une plaque photographique ne dépouille pas cette personne de son existence, ainsi la réflexion d'une âme tombant sur une autre âme ne dérobe pas la personnalité de la première. Cette personnalité continue son voyage vers le but, suivant le processus nécessaire. C'est sa réflexion qui bâtit une autre personnalité sur le même dessin; ce qui est reconnu comme une réincarnation.

On peut se demander s'il y a un lien entre ces deux personnalités qui se ressemblent? Certes, ce qui se ressemble s'attire. Si, dans le plan des djinns, se forme un lien de sympathie entre deux âmes, ce lien continue à exister. De cette façon, il est naturel que l'esprit de Shakespeare continue à inspirer la personnalité qui reflète Shakespeare sur la terre. A la question: «Peut-il y avoir plusieurs incarnations d'une même personnalité?», on peut répondre: «Oui, de même qu'on peut tirer beaucoup de photographies d'une même personne, de même peuvent se manifester sur la terre plusieurs réflexions d'une seule et même personnalité».

 

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