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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


LA VOLONTÉ
Psychologie - Cahier 3

Chapitre 2
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

Conférence faite à Paris le 17 Octobre 1925,
Compte-rendu sténographique de Sakina, transcrit par elle-même.

Sans doute des mots tels que souhait, désir, amour et ceux qui leur sont semblables indiquent la même chose, mais le mot volonté possède une plus grande importance que tous ces autres. Ceci pour la raison que la volonté est la vie elle-même. La Bible appelle Dieu Amour. Amour dans quel sens ? Amour dans le sens de volonté. Le Créateur créa l'Univers. Par quoi ? Par l'amour ? L'amour vint plus tard. C'est par la volonté. L'amour est volonté quand elle est reconnue par sa manifestation. Alors on l'appelle amour, mais au commencement il est volonté.

Par exemple, la grande construction qui fut érigée à Agra en Inde et qu'on appelle le Taj-Mahal est réputé être un témoignage de l'amour que l'empereur eut pour sa bien-aimée. En même temps, quand vous le considérez du point de vue de la raison, vous ne pouvez pas l'appeler une expression d'amour, mais vous pouvez l'appeler en toute raison un phénomène de la volonté. Du moins en ce qui concerne le commencement de la construction, vous pouvez appeler cet esprit, cette impulsion qui le fit apparaître, un phénomène de la volonté. Une fois terminé, vous pouvez alors dire que c'était une expression de son amour.

Quand quelqu'un dit: « Je désire cela, je le souhaite », c'est une volonté incomplète, une volonté qui n'a pas conscience de sa force, une volonté qui n'est pas sûre qu'elle veut. Dans ce cas on l'appelle désir, souhait. Mais quand quelqu'un dit: « Je le veux », cela signifie que c'est défini. Quelqu'un qui ne peut jamais dire « Je le veux », ce quelqu'un n'a pas de volonté.

De cela nous pouvons conclure que la volonté est la source et l'origine du phénomène entier. Les Hindous ont appelé la Création le rêve de Brahma, ce qui veut dire un rêve du Créateur. Mais je dois y ajouter qu'un rêve est le phénomène d'une volonté inconsciente, quand la volonté travaille de façon automatique. Il y a une différence entre une personne imaginative et une personne réfléchie, et la différence est que l'une pense avec volonté et l'autre pense sans volonté. Une fois que quelqu'un connaît la valeur de la volonté, il reconnaît qu'il n'y a rien au monde qui soit plus précieux que la volonté. Une question surgit alors naturellement dans l'esprit de quelqu'un de réfléchi: « Est-ce que j'ai une volonté en moi ? Est-ce que j'ai une volonté forte ? Est-ce que j'ai une faible volonté ? » Et la réponse est que personne ne peut exister sans volonté; ainsi chacun possède une volonté.

Et puis il y a une autre question qui se pose: comment pouvons-nous maintenir notre volonté ? La nature de la vie que nous vivons est de nous dépouiller de notre volonté. Non seulement la lutte par laquelle nous devons passer dans la vie, mais aussi notre propre moi, nos pensées, nos désirs, nos souhaits, nos motivations, affaiblissent notre volonté. La personne qui sait comment notre être intérieur est relié à cette perfection de volonté, constatera que tout ce qui rend la volonté plus petite, plus étroite, plus limitée, est notre expérience au cours de la vie. Nos joies nous dérobent notre volonté comme le font nos chagrins; nos plaisirs nous volent notre volonté comme le font nos souffrances; et la seule manière de maintenir le pouvoir de la volonté est d'étudier l'existence de la volonté et d'analyser parmi toutes les choses que nous avons en nous-mêmes ce qu'est la volonté.

En outre, il y a le dicton: « L'homme propose et Dieu dispose ». Nous sommes toujours confrontés à un pouvoir plus grand que le nôtre qui n'appuie pas toujours notre désir. Et naturellement quelqu'un qui a de la volonté, confronté à un pouvoir plus grand, doit tôt ou tard céder et garder l'impression de la perte de volonté. Ce n'est qu'un exemple, mais on peut donner cent exemples de la manière dont on est dépouillé de sa volonté sans le savoir. Quelqu'un pense très souvent: « En étant actif, en étant déterminé, je peux certainement maintenir ma volonté ». Mais ce n'est pas vrai. Quand il y a bataille, il y a avance et il y a retraite. En faisant retraite, on n'est pas vaincu et en avançant on n'a pas toujours gagné. Quelqu'un qui exerce sans cesse sa volonté la tend et l'épuise très vite. C'est comme être trop sûr d'une corde qu'on a dans la main tout en la frottant sur le bord d'une pierre tranchante. L'on voit très souvent que les gens qui prétendent à une grande force de volonté échouent plus vite que ceux qui n'y prétendent pas.

Et puis il y a toujours un combat entre la volonté et la sagesse; et la première chose et la plus sage à faire est d'amener une harmonie entre la sagesse et le pouvoir de la volonté. Quand quelqu'un dit: « Je souhaite faire telle chose, je veux faire telle chose » et qu'en même temps son bon sens lui dit: « Non, tu ne peux pas faire ça, tu ne dois pas faire ça », alors, en possession de sa volonté, il peut ou bien la faire ou bien agir contre son bon sens.

Cela nous montre aussi la vie dans une autre lumière, à savoir que ceux qui sont sages et sans volonté sont aussi impuissants qu'une personne douée de volonté sans sagesse. Il ne sert à rien de mettre la sagesse en avant et la volonté à l'arrière-plan, et il ne vaut pas mieux mettre la volonté en avant et la sagesse à l'arrière-plan. Ce qui est nécessaire est de faire des deux une seule.

Il y a un autre ennemi de la volonté et c'est le pouvoir du désir. Celui-ci dérobe souvent son pouvoir à la volonté, et très souvent la volonté, grâce à un conflit avec le désir, devient puissante. Si le sacrifice est enseigné dans l'Evangile, cela implique à certains moments d'écraser les désirs. Cela ne doit sûrement pas être érigé en principe, cela doit être considéré comme un processus. Ceux qui l'ont pris comme un principe ont perdu, ceux qui l'ont pris comme un processus ont gagné.

L'ennemi du bon sens, de la sagesse, est le manque de tranquillité mentale. Quand le mental est tranquille, il fournit la bonne pensée, et la sagesse jaillit naturellement comme une fontaine. C'est pourquoi les Soufis ont enseigné divers exercices sous une forme physique et sous une forme méditative afin de rendre le mental tranquille, afin que la sagesse qui est présente puisse jaillir comme d'une fontaine. Ce n'est pas dans l'eau agitée que l'on peut voir son image reflétée; c'est dans l'eau immobile que l'on peut voir clairement une image. Notre cœur est semblable à l'eau, et quand il est immobile la sagesse s'élève d'elle-même. Ce sont la sagesse et la volonté, ensemble, qui travaillent vers la réussite.

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Question : Quelle valeur donnez-vous à l'imagination comparée à la volonté ?

Réponse : Un fonctionnement automatique du mental produit l'imagination, et la valeur de l'imagination dépend de la culture du mental. Si le mental est accordé à un diapason élevé, l'imagination en viendra naturellement à un niveau élevé. Mais si le mental n'est pas accordé à un diapason élevé, l'imagination n'en viendra pas à un niveau élevé.

L'imagination a sa place et l'imagination a sa valeur. Mais quand ? A ce moment où le cœur est accordé à un tel diapason que l'imagination ne peut pas aller ailleurs qu'au paradis. Quand le cœur est ainsi accordé par l'amour, l'harmonie et la beauté que, sans le vouloir, il commence à flotter automatiquement, et dans ce mouvement automatique réagit à quoi que ce soit qu'il touche et l'exprime sous quelque forme - sous forme de ligne ou de couleur, ou de notes - et l'art, la peinture, la musique ou la poésie s'en suivent. C'est là que l'imagination a de la valeur. Mais quand il s'agit des affaires, de la science et de toutes choses qui sont reliées à notre vie de tous les jours dans le monde, il vaut mieux laisser l'imagination de côté et travailler avec la pensée.

Comme le jour et la nuit sont tous deux utiles, comme le repos et l'action sont tous deux nécessaires, ainsi penser et imaginer ont tous deux leur place dans la vie. Par exemple, si un poète emploie sa volonté pour diriger son imagination, sa volonté en fait une pensée, et cela devient rigide. Ce qui est naturel pour un poète est de laisser son mental flotter dans l'espace. Quoiqu'il touche, de laisser son cœur l'exprimer, et ce qui s'exprime est une inspiration. Mais quand quelqu'un doit s'occuper d'une affaire de commerce, il ne doit pas laisser son cœur flotter dans l'air; il doit penser aux choses de la terre et penser très soigneusement aux chiffres.

 

Question : (Question confuse au sujet de l'imagination, des pensées et de la volonté)

Réponse : Il y a une chose qui est faite avec contrôle; le pouvoir ou la volonté la contrôle. L'autre chose est faite sans contrôle, car si on la contrôle, on la gâche. Rien ne peut se mouvoir dans le monde, que ce soit dans la sphère mentale ou sur le plan physique sans le pouvoir de la volonté. Mais dans un cas le pouvoir de volonté la contrôle absolument, dans l'autre il travaille de façon automatique.

 

Question : Comment fortifier la volonté ?

Réponse : La pratique est la chose la plus importante pour fortifier la volonté.

 

Question : Elle doit être guidée par la sagesse ?

Réponse : On doit toujours penser à ces deux choses en faisant toute chose. On ne doit pas être emporté par la volonté sans écouter ce que dit la sagesse, et ne pas être emporté non plus par ce que dit la sagesse.

 

Question : Comment réunir les deux ?

Réponse : En prenant conscience de l'action des deux en tout ce que l'on fait. Mais en même temps l'on peut s'exercer dans sa vie courante en se privant de choses que l'on aime. Si quelqu'un a toujours ce qu'il aime, il est certain qu'il gâte sa volonté, parce que sa volonté n'a pas de réaction.

 

Question : Est-ce qu'on peut toujours vouloir ce qu'on désire ?

Réponse : Oui, mais cela ne donne pas de stimulant à la volonté. On donne un stimulant à la volonté quand on se prive de ce qu'on désire. Alors la volonté devient consciente d'elle-même, elle devient vivante, elle dit: « Pourquoi est-ce que je ne devrais pas avoir telle chose ? ». Par exemple, une personne veut cueillir une fleur sur une certaine plante. Cette fleur l'attire beaucoup, la fleur est très belle, mais en même temps vient l'idée: « Pourquoi ne pas la laisser sur sa plante ? » Et puis cette personne dit: « Je ne la cueillerai pas ». Cela donne à la volonté un stimulant, parce que d'abord le désir voulait s'en emparer et ensuite le discernement a voulu faire son travail. Et comme la lumière vient de la friction, ainsi la volonté vient comme une flamme de la friction.

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La Volonté

 

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