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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


La révélation à l'état de veille et à l'état de sommeil
Psychologie - Cahier 3

Chapitre 19
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

(Bruxelles, 24 mai 1924, rapportée en sténographie par Sakina Furnée , transcrite par elle-même)

 

Cela demande un certain degré de progrès spirituel pour croire qu'il existe une chose telle que la révélation. La vie est révélatrice, sa nature est révélatrice, et de même est Dieu. Par conséquent, dans la langue persane Dieu est appelé Khoudda qui veut dire « Se révélant Soi-Même ». Toute science, art, culture, connues de l'homme sont venues par révélation; et non seulement dès l'origine, mais même aujourd'hui toute invention, toute amélioration dans la science et dans l'art vient par révélation. L'homme n'apprend pas seulement l'art ou la science par l'étude. Il étudie, mais il y a beaucoup qu'il apprend par révélation. Un savant, un artiste, qui a seulement appris par l'étude n'est pas un savant ou un artiste véritable; c'est seulement une machine. Il est certain que la vie moderne semble avoir masqué ce côté révélation de la culture en promouvant cette culture qui est mécanique. Pour mettre ceci en termes plus directs : quelqu'un n'apprend pas seulement grâce à sa propre étude, mais il attire, pour ainsi dire, la connaissance de la multitude. Par exemple, un enfant n'héritera pas seulement des qualités de son père ou de ses ancêtres, mais aussi des qualités de sa nation. Si cela est vrai alors il peut aussi être vrai que l'homme hérite des qualités de sa race et qu'il hérite aussi des qualités de la race humaine toute entière. Par conséquent, si l'on se rendait profondément compte de ce magasin de connaissance qui existe derrière ce voile, on trouverait que l'on a un droit sur cet héritage. Cela donne une clé pour comprendre ce secret de la vie : on n'obtient pas seulement la connaissance de l'extérieur, mais aussi de l'intérieur. La connaissance que l'on acquiert du côté extérieur de la vie on l'appelle savoir, mais la connaissance que l'on tire du dedans est cette connaissance qu'on appelle révélation.

Il y a divers degrés de révélation. D'abord on voit dans chaque personne, à un plus ou moins grand degré, une capacité pour l'impression. Chaque personne sent plus ou moins en présence de quelqu'un d'inconnu qu'elle rencontre si elle peut faire confiance ou ne pas faire confiance à celui-ci. Si vous lui demandez ce qui lui fait penser cela, elle n'aura pas toujours une raison à vous donner, mais elle pourra vous dire : « Je le sens ». Les femmes sont souvent plus sensibles aux impressions que les hommes. La raison en est qu'une femme, par nature, est réceptive. Entre deux hommes, le plus réceptif est le plus sensible aux impressions. Mais en plus de l'impression que l'on reçoit d'une personne, quelques-uns reçoivent facilement l'impression d'un endroit. En quelque lieu où ils marchent ou s'assoient, ils sentent quelque chose d'agréable ou de désagréable, s'il s'y est produit quelque chose de triste ou quelque chose de joyeux. Certains sont si sensibles qu'ils peuvent voir non seulement les conditions d'il y a quelques années, mais même de nombreuses années en arrière. Et bien souvent en Orient, on vient chercher une personne sensible pour chercher où l'on pourra facilement trouver de l'eau. Cette personne commence par sentir où l'eau est la plus proche, et après avoir creusé à cet endroit on trouve que c'est vrai. Ce n'est pas un grand pouvoir spirituel, mais une chose simple et ordinaire de la vie quotidienne, parce que l'impression dépend seulement de cette attitude réceptive, et parce que quelqu'un reçoit une impression de tout ce à quoi il est réceptif.

En allant un peu plus loin, on trouve un autre aspect de la révélation et c'est ce qu'on peut appeler l'intuition. Avant de commencer un travail ou une certaine affaire on éprouve une sorte de sentiment. On peut aller contre celui-ci, on peut ne pas y croire, néanmoins on a le sentiment : « Je peux ne pas réussir en cela ». Ou en s'associant avec une autre personne dans une affaire, on peut sentir que cela ne durera pas longtemps. Et aussi l'on sent parfois : « Je devrais voir un ami, un certain ami », et puis l'on constate que l'ami vient vous voir sans aucun arrangement entre vous. C'est l'intuition. Il y a beaucoup de gens intuitifs, mais ils ne le savent pas. L'intuition est le lot d'une personne qui a des sentiments délicats.

Quand on va encore un peu plus loin dans ce sujet, on trouve qu'il a un autre aspect; cet aspect est la vision. Une vision est plus claire dans le sommeil qu'à l'état de veille. La raison en est que quand quelqu'un est endormi il vit dans un monde à lui, mais quand quelqu'un est éveillé il est partiellement dans ce monde-là mais principalement dans le monde extérieur. Tout phénomène demande une capacité (pour s'y produire). Ce n'est pas seulement que le son soit audible, mais c'est aussi que les oreilles rendent possible qu'on l'entende. Le mental est la capacité voulue pour recevoir les impressions. Par conséquent un état de sommeil naturel est comme une concentration profonde, comme une profonde méditation, et ce qui vient comme rêve y possède un sens.

On pourrait demander si les tous rêves signifient quelque chose. Oui, toute chose au monde possède une signification. Pourquoi est-ce que le rêve n'aurait pas de signification ? Il n'y a rien qui soit dépourvu de sens. C'est notre manque de compréhension quant à son sens qui nous garde dans l'obscurité. Mais on pourrait dire que l'on voit parfois des rêves complètement insignifiants. Qu'en est-il ? C'est à cause de la condition du mental. Si la condition du mental est inharmonieuse, si le rythme du mental n'est pas régulier, la chose réelle est tellement mélangée que vous ne pouvez pas la lire. C'est comme une lettre écrite dans le noir et que la personne qui est en train de l'écrire ne peut pas lire. Et cependant c'est une lettre écrite, il y a une idée derrière elle. Même si la personne qui l'a écrite dans le noir ne peut pas la lire, pourtant c'est une lettre. Quand quelqu'un ne peut pas comprendre le sens de son rêve, cela ne veut pas dire que son rêve soit dépourvu de signification. Cela veut seulement dire que sa propre lettre est devenue si confuse qu'il ne peut pas la lire.

Mais la chose la plus intéressante à étudier dans le rêve est son expression symbolique. Aussi subtile est la mentalité d'une personne, aussi symbolique sera son rêve. Les rêves d'un poète et des prophètes ont été si symboliques qu'ils sont comme un roman magnifiquement écrit. Parfois la symbologie en est si subtile qu'il semble un art en lui-même, l'art de la nature qui produit un tel rêve. Il est certain que si une personne simple a un rêve stupide, il n'y a à cela rien d'étonnant.

De plus on lit dans le rêve quelque chose du passé, du présent, de l'avenir. L'on pourrait demander : « Quand voit-on le passé, et quand l'avenir ? » Quand le mental d'une personne est focalisé sur le passé elle voit le passé, quand c'est sur l'avenir elle voit l'avenir. Si son mental s'intéresse au présent, elle voit le présent.

Un plus grand phénomène encore dans le rêve est que parfois un rêve se montre un moyen de communication entre deux âmes, et cette communication n'est pas limitée à ce monde-ci mais il s'étend aussi à l'autre monde.

Il y a un autre côté à la révélation dont un poète, un musicien, un philosophe, un penseur fait l'expérience. On appelle cela l'inspiration. Quelqu'un peut essayer d'écrire un morceau de musique pendant peut être une année entière et ne pas réussir à créer ce qu'il voulait, et puis il peut lui arriver en un moment toute une symphonie que le compositeur n'a aucun pouvoir de changer. Elle est parfaite en elle-même. En la changeant il commettrait une faute contre l'harmonie de la vie intérieure, parce que cela lui a été donné comme une chose déjà toute faite. Aucun vrai poète, aucun vrai compositeur, aucun vrai penseur ne niera un seul instant que c'est sa propre expérience. Il semble qu'il ne puisse pas créer ces œuvres par son seul cerveau, qu'il y ait un atelier qui les crée déjà. Par sa communication avec cet atelier il reçoit les choses toutes faites. Un jour un mystique demanda à un poète qui avait écrit un poème admirable et l'avait apporté pour le lui montrer : « Voudriez-vous m'expliquer le sens d'un certain vers de ce poème ? » Le visage de ce poète s'assombrit, parce qu'il n'y avait pas pensé, et après avoir vu le vers il constata que lui-même n'en connaissait pas le sens. Le mystique dit : « Vous n'avez pas besoin de vous en tourmenter, car c'est cela qu'on appelle inspiration ».

C'est ce phénomène qui fait que l'âme créative, comme celle d'un poète, d'un prophète, d'un compositeur, baisse la tête devant quelque chose d'élevé, quelque chose d'au-delà de la compréhension. Avant qu'un poète, un artiste ou un penseur soit arrivé à ce stade où sa propre création le surprend tellement qu'il ne peut plus l'appeler sa propre création, il n'est pas encore devenu un vrai génie. D'ailleurs, l'inspiration n'a pas besoin d'arguments. Le diamant n'a pas besoin du son des trompes pour qu'on l'appelle un diamant; sa lumière l'appelle diamant. Et il en est de même de l'inspiration vraie. Les grands compositeurs, les poètes qui ont écrit des choses réellement inspirées, le monde n'en sera jamais fatigué. Après des milliers d'années ce qu'ils ont écrit sera encore vivant et fera encore la même impression sur le monde.

Quand nous allons encore plus loin nous trouvons l'aspect le plus élevé de la révélation que seul on peut appeler révélation. Elle vient du dedans. Elle fait que le cœur se révèle lui-même. C'est comme une nouvelle naissance de l'âme, c'est comme l'éveil du cœur. Quand un tel moment est arrivé pour une personne, elle commence à sentir une communication avec toutes les choses et tous les êtres. Avant qu'elle n'ait échangé un mot avec une personne qu'elle rencontre, elle commence à communiquer avec son âme. Avant qu'elle ne pose une question à quiconque, l'âme commence à raconter son histoire. Chaque personne se tient devant elle comme une lettre ouverte, et chaque objet est devant elle comme un livre ouvert. Il n'existe plus alors pour cette personne ce continuel POURQUOI que vous voyez chez tant de gens. Ce POURQUOI n'est plus là parce qu'elle trouve en elle-même la réponse à chaque question. Aussi longtemps que la réponse n'est pas élaborée, malgré toutes les connaissances qui existent dans le monde et qui ont été enseignées à l'homme, ce POURQUOI continuel existera.

Maintenant surgit la question de savoir comment l'on arrive à cette révélation. La réponse est qu'il n'y a rien dans l'univers entier que l'on ne puisse pas trouver dans l'homme, si seulement il se soucie de le découvrir. Mais s'il ne le découvre pas, personne ne le lui donnera parce que la vérité n'est pas apprise, la vérité est découverte. C'est parce qu'ils croyaient cela que des sages de l'Orient ont été dans la solitude et se sont assis dans leur méditation, pour donner à cette révélation une opportunité de se manifester, de surgir. Il est certain que, telle que la vie est aujourd'hui, l'on a très peu de temps à accorder à de telles solitudes. Mais cela ne veut pas dire que l'on doive rester ignorant du meilleur que l'on ait en soi. Car quand nous essayons de comparer cette grande bénédiction qu'on peut appeler révélation avec tous les autres trésors de la terre, alors on ne peut pas les comparer. Et, par conséquent, tout ce qui nous occupe pour gagner les choses de ce monde ne peut pas être assez important pour que l'on doive sacrifier ce privilège d'avoir la révélation.

En considération de cela, le mouvement Soufi s'offre à faciliter le chemin de la méditation pour ceux qui souhaitent le tenter. Il n'y a aucune prétention de la part de ce mouvement à enseigner quiconque, car Dieu seul est celui qui enseigne, et Dieu seul peut enseigner. C'est par la grâce de Dieu que vient la révélation et non par l'enseignement de l'homme. Le service que l'homme peut rendre à son frère est de l'aider à se préparer à cette bénédiction qui ne peut venir que de la grâce de Dieu.

 

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L'intuition

 

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