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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


L'ESPRIT CHEVALERESQUE
Rassa Shastra
Chapitre 13
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

On raconte que Sa’adi, cet esprit chevaleresque, ce poète idéal parmi les poètes, aimait tendrement une jeune fille qu’il appréciait et admirait plus que tout autre chose dans sa vie de sorte qu’il n’y avait rien qu’il n’eût entrepris pour elle. Lui rendant visite un jour, il la surprit, n’en croyant pas ses yeux, dans les bras d’un autre. Il s’éloigna pourtant discrètement et se posta à la grille d’entrée de la maison. Quand l’autre soupirant aperçut Sa’adi, il pensa: Sa’adi est maintenant rempli de jalousie et m’attend pour me tuer. Mais quand Sa’adi le vit approcher, il l’appela et lui dit: « Mon ami, la paix soit avec vous. Je vous ai attendu pour vous donner ce conseil de bon sens; puisque j’ai vu et je suis reparti tranquillement, faites de même si un jour vous deviez la voir dans les bras d’un autre. Car c’est ainsi qu’aiment les sages. 

 

Gairat, ou chevalerie, prend si souvent l’aspect de la jalousie que les deux se confondent. A l’origine des duels, coutume qui n’est étrangère à aucune partie du monde, qui à travers les âges a été la cause de bien des conflits, des bouleversements, on retrouve cette mâle tendance. L’honneur de l’un peut être l’honneur de l’autre, ou de dix ou de cent autres; ainsi l’honneur d’une femme peut être défendu comme celui d’un roi. 

 

L’homme considère la femme comme ce qu’il a de plus sacré dans la vie. Elle lui est plus précieuse et a plus d’attrait pour lui que tout le reste de la vie. Est-elle sa mère, il la considère comme sa source et la créatrice de son être, son seul soutien et sa protection; quand le cœur est brisé, désappointé et au fond du désespoir, vient la pensée de la mère, celle qui avant tout le monde fut le premier ami, son premier gardien et son maître. Est-elle sa sœur, il pense plus à elle qu’à lui-même, car sa situation dans la vie est plus délicate que la sienne; elle est l’honneur de la famille et il estime avoir à partager la responsabilité de ses parents envers elle. Cette bonté n’a rien d’artificiel, elle est l’essence même de l’humanité, jaillie de la nature des choses. Pour un père, la responsabilité d’une fille semble plus importante que celle d’un fils; son déshonneur ou son malheur le frappe plus vivement. Et, dans le plus intime des relations humaines, un mot contre son épouse détruit son bonheur et sa paix. Pour la protéger, il accepte n’importe quelle dégradation et cela aussi bien s’il est attaché à une femme digne d’idéal qu’à une prostituée, à celle qui a perdu toute dignité. Quelle que soit la relation, son honneur est son propre honneur. 

 

On a vu cette tendance masculine prendre des formes brutales dans la vie sociale de la communauté. Par exemple, quand la famille a pris conscience de la responsabilité que la naissance d’une fille lui apportera, la coutume adoptée dans plusieurs pays à des époques différentes lui permet de tuer le bébé. Ou encore maintenant dans la civilisation occidentale, les parents restreignent la famille et adoptent la limitation des naissances de tout enfant, même dans les familles aisées, par crainte des responsabilités. Ou encore la dépendance naturelle de la femme est accentuée par l’homme tant est fort le sentiment que la responsabilité masculine dans la vie est tellement plus grande que la sienne - puisqu’elle est à sa charge, de sorte que la femme est dépossédée pour que l’homme puisse bénéficier de tous les avantages offerts. Afin qu’il soit plus apte à la lutte dans le monde, les faiblesses naturelles de la femme sont augmentées et encore amplifiées.

 

On remarque qu’en Occident l’éducation des filles ne leur donne souvent pas les mêmes chances qu’à leurs frères, leur part d’héritage est moindre, le salaire de la femme est souvent moins élevé que celui des hommes. C’est aussi en raison de cette tendance masculine que les femmes en Orient sont tenues à l’écart de la vie de société. Ainsi, aussi bien en Orient qu’en Occident, existe la tendance, même si elle ne s’exprime pas, de considérer la position de la femme comme la responsabilité et l’honneur de l’homme. En conséquence elle dépend plus de lui que de ses propres efforts.

 

L’idée de liberté individuelle attaque maintenant ces vieux idéaux et détruit en même temps l’idéal que représente Gairat, la chevalerie. Car, en dépit de ses aspects parfois égoïstes et brutaux, il s’agit bien d’un idéal et celui qui s’y tient possède une religion. En Occident, on remarque que l’homme accepte dans la vie des avantages plus importants, sans en accepter les responsabilités. L’hindou, dont la pensée de liberté individuelle est moins forte, continue à préserver un grand nombre des idéaux anciens. Aucun étudiant de la vie hindoue ne niera que ceux-ci sont pour lui aussi sacrés que son adoration pour les dieux et les déesses et qu’ils font partie de son Dharma ou religion. Si un hindou a une fois appelé une femme sœur, fille ou mère, il la considérera comme telle toute sa vie à cause du lien sacré de sa promesse. Son honneur l’oblige à la protéger et à la soutenir même si elle n’a aucun lien de parenté avec lui.

 

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Rassa Shastra       La responsabilité

 

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