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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Le repos
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

Quand les lèvres sont closes le coeur commence à parler. Quand le coeur est silencieux l'âme s'enflamme, élevant sa flamme qui illumine la vie entière. C'est cette idée qui montre au mystique la grande importance du silence, qui est obtenu par le repos. La généralité connaît très peu ce que signifie le repos, parce que chaque personne qui se repose sent qu'elle en a besoin après la fatigue. Mais si l'on n'était pas fatigué on ne verrait jamais la nécessité de se reposer.

 

Le repos a plusieurs aspects. Un aspect du repos est quand une personne cesse son activité quotidienne et se trouve seule dans sa chambre. Elle pousse un soupir de reconnaissance, qui signifie: "Après tout ce que j'ai vécu d'intéressant et d'inintéressant je suis maintenant seule avec moi-même". Ce n'est pas un sentiment ordinaire, il y a un sentiment beaucoup plus profond derrière lui. Son sens est qu'il n'y a rien pour attirer son mental ni pour demander son action. A cet instant son âme a un aperçu de soulagement dont le plaisir est inexprimable. Mais l'ivresse de la vie dont souffre tout être humain est tel qu'il ne peut complètement apprécier cet instant de soulagement que toute personne attend au moment où elle se retire après les activités de la vie quotidienne, qu'elle soit riche ou pauvre, fatiguée ou non.

 

Cela ne nous enseigne-t-il pas qu'il y a un grand mystère dans le repos, un mystère dont on est souvent ignorant? En outre, nous constaterons toujours que quelqu'un de réfléchi sait par nature se reposer, et que quelqu'un qui sait se reposer est par nature réfléchi. C'est le repos qui rend davantage réfléchi, et c'est l'activité continuelle qui enlève cette réflexion même à quelqu'un de sensé. Les gens qui travaillent au téléphone ou au télégraphes ou dans les bureaux de poste, sur le mental desquels il y a une pression continuelle, développent avec le temps l'impertinence, l'insolence, le manque de patience. Ils ne perdent pas leur bon sens, il y a seulement ce manque de repos qui affaiblit leur sens de contrôle, et les fait s'abandonner à ces défauts. Cela montre que le repos est non seulement nécessaire pour quelqu'un qui foule le chemin spirituel, mais pour tout être vivant sur la terre, quel que soit son degré d'évolution, quel que soit son niveau dans la vie. C'est l'unique chose qui doit être développée dans la nature, et pas seulement chez les adultes; c'est quelque chose que l'on devrait enseigner dès l'enfance. Dans l'éducation aujourd'hui, l'on pense beaucoup aux acquisitions intellectuelles dont un enfant aura besoin dans la vie, et très peu au repos qui est pour l'enfant de la plus grande nécessité

 

Les chats et les chiens se montrent parfois plus intuitifs que l'espèce humaine. les animaux sont-ils capables de plus de choses que l'homme? Non l'homme est davantage capable, mais l'homme ne se donne pas lui-même le temps de devenir plus intuitif, il n'y donne pas assez de temps. Cela m'a souvent amusé à New-York, où l'on est facilement épuisé par le bruit des trains, des trams, des ascenseurs et des usines; que quand quelqu'un a un petit peu de temps pour s'asseoir tranquillement dans un train ou un métro, il regarde les journaux. Toute cette activité n'est pas suffisante. Si ce n'est pas dans le corps, il doit y avoir une activité dans le cerveau. D'où cela vient-il?

 

C'est de la nervosité, une maladie commune qui est presque devenue la santé normale. Si tout le monde souffre de la même maladie, alors on peut appeler normale cette maladie. Ce que l'on appelle contrôle de soi, discipline de soi vient seulement de la pratique du repos, qui est une aide non seulement dans le chemin spirituel, mais aussi dans notre vie pratique, en nous rendant réfléchis et pondérés.

 

Par conséquent le mystique adopte cette méthode de repos, et grâce à cela il tâche de se préparer à fouler le chemin spirituel. Le chemin spirituel n'est pas, comme je l'ai dit, un chemin extérieur. C'est un chemin intérieur que l'on doit parcourir, de sorte que les lois et la progression dans le chemin spirituel sont tout-à-fait contraires aux lois et à la progression dans le chemin extérieur. Pour expliquer en termes clairs ce qu'est le chemin spirituel, je dirais qu'il commence en vivant en communication avec soi-même, parce que c'est dans les tréfonds de l'être de l'homme que se trouve la vie de Dieu. Cela ne veut pas dire que la voix de l'être intérieur ne vienne pas à tout le monde. Elle vient toujours, mais toute personne ne l'entend pas. Par conséquent quand il commence à s'efforcer dans ce chemin, le Soufi cherche à communiquer avec son moi intérieur, à s'adresser à lui. Et une fois qu'il s'est adressé à son âme, alors de l'âme il vient une sorte de reproduction, comme celle que le chanteur pourrait entendre lorsqu'il écoute son chant sur un disque qui a été gravé avec sa propre voix.

 

Lorsqu'il a réalisé cela, il a fait un premier pas vers le dedans dès qu'il a écouté ce que reproduit ce processus. Ce processus a éveillé une sorte d'écho dans son être. Que ce soit la paix ou le bonheur, la lumière ou la forme, quoi qu'il ait désiré produire, est produit aussitôt qu'il a commencé à communiquer avec lui-même. Comparez maintenant l'homme qui dit: "Je ne peux pas m'empêcher d'être actif, d'être triste, d'être tourmenté, car c'est la condition de mon mental et de mon âme", avec l'adepte qui communie avec lui-même. Il ne faut pas longtemps pour que le moi commence à en réaliser la valeur.

 

C'est ce que les Soufis ont enseigné depuis des milliers d'années. Le chemin du Soufi n'est pas de communiquer avec des fées ou des génies. C'est de communier avec son moi le plus profond, comme si l'on soufflait sur sa braise intérieure pour la faire prendre en un feu divin. Mais il ne s'arrête pas là, il va encore plus loin. Il demeure ensuite dans un état de repos et ce repos peut être amené par une certaine manière de s'asseoir et de respirer et par une certaine attitude mentale. Alors il commence à devenir conscient d'une certaine part de son être qui n'est pas le corps physique mais qui est au-dessus de lui. Plus il en devient conscient, plus il commence à réaliser la vérité, qui est une vérité certaine, de la vie dans l'au-delà. Alors ses imaginations et ses croyances n'existent plus. C'est la réalisation vivante de l'expérience qui est indépendante de la vie physique et c'est dans cet état que l'on est capable de faire l'expérience du phénomène de la vie. Par conséquent le Soufi ne s'égare pas dans les manipulations de divers phénomènes. Une fois qu'il a réalisé cela, la totalité de la vie devient un phénomène. Chaque moment, chaque expérience lui amène une réalisation de cette vie qu'il a trouvée dans sa méditation.

 

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L'être de l'homme est un mécanisme corporel et mental. Quand ce mécanisme est en bon ordre, il y a bonheur, plénitude de la vie. Quand quelque chose atteint le mécanisme, le corps est malade et la paix s'en est allée. Ce mécanisme dépend du remontage. Comme une pendule est remontée et puis marche pendant vingt-quatre heures, ainsi en est-il de l'effet de la méditation. Quand quelqu'un est assis dans une posture reposante et met le mental en condition de repos et régularise le travail de ce mécanisme par le processus de la méditation, c'est comme remonter une pendule. On sent continuellement son effet, parce que le mécanisme est en bon ordre.

 

Ainsi la croyance d'un mystique n'est pas une croyance extérieure en quelque divinité qu'il n'a pas vue. L'adoration du mystique n'est pas seulement une forme extérieure, qui ferait que son adoration serait finie quand il aurait dit ses prières. Il tire le meilleur parti des formes extérieures, mais en même temps sa démarche est logique, scientifique, et il veut si possible unir celles-ci à la conception mystique. Mais le mysticisme est l'explication scientifique - aussi bien que la réalisation - de choses enseignées par la religion, choses qui autrement n'auraient pas de sens pour une personne ordinaire. Quand une personne ordinaire lit ce qui est écrit à propos du Royaume de Dieu et du Ciel, elle lit ces noms mais elle ne sait pas où se trouve le Ciel; elle sent qu'il y a un Dieu, mais il n'y en a pas de preuve. C'est pourquoi un grand nombre d'intellectuels, qui cherchent réellement la vérité, s'éloignent de la religion extérieure parce qu'ils ne peuvent trouver d'explication, et en conséquence deviennent matérialistes. Le mystique dit que l'explication de toute la religion est l'investigation du soi. Plus on s'explore, plus on comprendra toutes les religions dans la plus vive lumière, et tout deviendra clair. Le Soufisme n'est qu'un éclairement jeté sur votre propre religion, comme une lumière qu'on amène dans une pièce où se trouve tout ce que vous cherchez; ce qui manquait était la lumière.

 

Cependant un mystique n'est pas toujours prêt à donner sa réponse à la question de toute personne. Les parents peuvent-ils toujours répondre à chaque question de leur petit enfant? Non, il y a des questions auxquelles on ne peut pas répondre, et il y en a pour lesquelles il nous faut attendre jusqu'à ce que nous soyons arrivés au point où nous pouvons comprendre. J'aimais beaucoup un poème que je ne pouvais pas encore comprendre, pour lequel je ne pouvais pas trouver une explication satisfaisante. Après dix ans, tout d'un coup, en une seconde, une lumière tomba sur lui et je compris. Il n'y eut pas de fin à ma joie. Est-ce que cela ne montre pas qu'il y a un temps pour tout? Quand les gens sont impatients et demandent une réponse, on peut répondre à quelque chose, et à quelque chose on ne peut pas répondre. La réponse viendra en son temps, l'on doit attendre. Est-ce que quelqu'un au monde a été capable d'expliquer complètement ce qu'est Dieu, en dépit de toutes les Ecritures et de tous les Prophètes? Dieu est un idéal trop élevé et trop grand pour que les mots l'expliquent. Quelqu'un peut-il expliquer un mot tel que l'amour ou dire ce qu'est la vérité?

 

Bien souvent les gens demandent ce qu'est la vérité. J'ai souvent eu envie d'écrire le mot VERITE au charbon sur une brique et de la mettre entre leurs mains en leur disant: "Voilà. Tenez-la ferme. Vous pouvez maintenant tenir la vérité". Si la vérité peut être atteinte, elle l'est seulement quand la vérité elle-même a commencé à parler, ce qui survient dans la révélation. La vérité se révèle elle-même; par conséquent le mot persan pour vérité est Khudda qui veut dire "révélé par soi-même", car ce mot unit Dieu et la vérité. Ainsi Dieu est la vérité. On ne peut expliquer ni le premier mot, ni le second. La seule aide que le mystique puisse donner est d'expliquer comment on arrive à cette révélation. Personne ne peut l'enseigner, on doit apprendre par soi-même. Le maître est seulement là pour aider quelqu'un vers cette révélation. Il y a un seul maître qui est Dieu. Et les plus grands maîtres du monde ont été les plus grands élèves; il savaient comment devenir un élève.

 

Comment cela est-il enseigné ou amené à la conscience de ceux qui foulent le chemin de la vérité? Par Bayat, l'initiation. C'est la confiance accordée par quelqu'un qui guide à quelqu'un qui s'avance sur le chemin. Celui qui s'avance sur le chemin doit être d'accord pour risquer ses difficultés, être sincère, fidèle, véridique, exempt de doute, ni pessimiste ni sceptique, sans quoi ses efforts ne lui permettront pas d'atteindre son but. Il doit venir tout-à-fait volontiers ou autrement ne pas venir; être à moitié d'accord est sans valeur. Et puis ce qui est nécessaire est quelque compréhension intellectuelle de l'aspect métaphysique de la vie, que quelques-uns possèdent, mais pas tous. Ce qui est nécessaire en outre sont les qualités du cœur, l'amour comme premier principe, que l'on reconnaît comme divin. Et puis l'action: telle action qui crée une harmonie de plus en plus grande. Et puis le repos: ce qu'on apprend en un an d'étude est appris en un seul jour par le silence, si seulement l'on connaît la vraie manière d'atteindre le silence.

 

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Le repos

 

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