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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


CE QUI EST NÉCESSAIRE SUR LA VOIE 
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


 

L'initiation nécessite du courage et une disposition à avancer spirituellement, bien que cela puisse ne pas être la vocation de chacun. Aussi le premier devoir d'un mourîd est-il de ne pas se laisser ébranler dans sa foi par quelque influence antagoniste que ce soit, ou par ce qui pourrait être dit contre la voie qu'il a prise. Il ne doit pas se permettre d'être découragé par qui que ce soit. Le mourîd doit être si ferme dans son chemin, que si le monde entier lui disait que c'est un mauvais chemin, il puisse affirmer que ce chemin est le bon. Et si quelqu'un lui disait que cela allait lui prendre un millier d'années et peut-être plus encore, le mourîd doit être capable de répondre que même si cela lui prenait des milliers d'années il aurait quand même la patience de suivre cette voie. Comme on le dit en Perse: «Ce travail est celui du ‘Baz’, du voyageur des Cieux».

 

Dans cette voie mystique, le courage, la constance et la patience sont ce qu'il y a de plus nécessaire, mais aussi la confiance en l'instructeur des mains duquel on a reçu l'initiation, et la compréhension de ce que c'est que d'être un disciple. En Orient, où depuis des millénaires la conception de l'état de disciple a été admise, ces choses sont considérées comme les plus importantes et comme pouvant être reçues de la main de l'instructeur. Comme il y a peu d'êtres qui connaissent la confiance! Ce qui est nécessaire, ce n'est pas d'avoir confiance en autrui, même en l'instructeur, mais en soi-même; et l'on n'est pas capable d'avoir une entière confiance en soi-même tant que l'on n'a pas appris de la vie comment on peut avoir confiance en un autre. Certains diront: «Mais si nous avons fait confiance et que cette confiance se soit trouvée mal placée, ne serons-nous pas déçus?». On répondra que nous devons faire confiance par amour de la confiance, et non dans le désir d'un quelconque bénéfice, et seulement ensuite nous devons  voir quel en est le fruit. La confiance totale est la plus grande force qui soit au monde; le manque de confiance est une faiblesse. Même si nous avons perdu quelque chose en ayant confiance, notre pouvoir sera plus grand que si nous avions gagné quelque chose sans avoir développé notre confiance.

 

La patience est absolument nécessaire sur le chemin spirituel. Après mon initiation dans l'Ordre des Soufis, j'ai passé six mois dans la présence continuelle de mon Murshid avant qu'il m'ait dit un mot sur le Soufisme. Une fois ce moment arrivé, dès que j'eus sorti mon carnet de notes, il aborda un autre sujet; ce fut terminé. Une phrase après six mois! Quelqu'un penserait que c'est long: six mois assis devant son Maître sans qu'il ne vous dise rien. Mais ici il ne s'agit pas de mots, mais de quelque chose d'autre. Si les mots étaient suffisants, il existe des bibliothèques pleines de livres de sciences occultes et métaphysiques qui rempliraient ce but. C'est la vie elle-même, c'est le fait de vivre qui est important. Celui qui vit la vie d'initiation ne vit pas seulement lui-même, mais en plus il rend vivants ceux qui entrent en contact avec lui. Si l'on est initié dans l'Ordre Soufi, ce n'est pas seulement pour étudier, mais pour comprendre et vivre ce que c'est vraiment que d'être un disciple.

 

En ce qui concerne la discipline, celui qui n'a pas ce sens de la discipline est dépourvu du pouvoir de se contrôler lui-même. C'est la discipline qui enseigne l'idéal, et l'idéal est la discipline. C'est le soldat discipliné qui peut devenir un bon capitaine. Dans les temps anciens, les rois avaient l'habitude d'envoyer les princes servir comme soldats pour qu'ils apprennent ce que signifie la discipline. La voie de l'initiation est un entraînement de l'ego, et c'est la discipline de soi que l'on apprend lorsque l'on est disciple.

 

On peut se demander ce que l'on doit penser de la voie de l'initiation, quel doit être notre but? Que devons-nous en attendre? Devons-nous nous attendre à devenir très bons? Ou d'une parfaite santé? Ou d'un grand magnétisme? Ou devons-nous espérer un grand développement psychique, ou l'obtention d'un don de voyance? Nous ne devons rechercher rien de cela, bien qu'à la longue nous cultiverons ces choses tout naturellement; mais nous ne devons pas nous efforcer de les obtenir. Supposez qu'un être développe en lui du pouvoir et ne sache pas comment l'utiliser, le résultat sera désastreux. Supposez qu'il développe le magnétisme et que par ce pouvoir il attire tout à lui, le bon et le mauvais tout ensemble; alors il lui sera difficile de se débarrasser de ce qu'il aura attiré à lui par son pouvoir. Ou peut-être une personne sera devenue très bonne, si bonne que chacun lui apparaîtra comme mauvais; elle sera trop bonne pour vivre dans ce monde et ainsi deviendra un fardeau pour elle-même. Ces choses ne doivent pas être recherchées par l'intermédiaire de l'initiation. Le but est de trouver Dieu à l'intérieur de nous-mêmes, de plonger profondément en nous-mêmes, afin que nous puissions atteindre l'unité de l'Être Entier. C'est vers cette fin que nous travaillons par le pouvoir de l'initiation, en vue de tirer du dedans tout le pouvoir d'inspiration et de bénédiction pour notre vie.

 

Pour ce but deux choses sont nécessaires: l'une est de faire régulièrement les exercices qui sont donnés, et de les faire de tout son cœur et de toute son âme. L'autre est d'entreprendre l'étude des écrits qui sont donnés, de ne pas les considérer comme destinés à une lecture superficielle, mais de les lire en approfondissant chaque mot. Plus on y attachera sa pensée, plus cela aura l'effet d'ouvrir le cœur. Lire est une chose, contempler en est une autre. Les leçons doivent être méditées; on ne doit pas considérer le mot ou la phrase la plus simple comme allant de soi. Pensez aux hindous, aux chinois, aux parsis qui pendant des millénaires ont médité sur les mêmes textes qu'ils considéraient comme sacrés et n'en étaient cependant jamais las.

 

L'initiation est une confiance sacrée, une confiance accordée par le Murshid à son mourîd, et une confiance accordée par le mourîd au Murshid. Aucun mur ne doit plus exister à partir de cette initiation; car, s'il persistait un mur, l'initiation ne pourrait plus être une initiation. Et quand le mur entre le mourîd et le Murshid est enlevé, alors l'étape suivante consistera à enlever le mur entre Dieu et Son adorateur. En outre, l'Ordre Soufi est un ordre mystique, et il y a certaines idées et considérations qui doivent être observées. La première est que si un secret nous est confié, il doit être gardé comme la confidence la plus sacrée. On doit aussi accepter tout enseignement qui nous est donné; que le remède soit amer ou suave, le patient l'absorbe. Il y a un temps pour tout, et l'illumination aussi a son temps. Mais le progrès, le progrès réel, dépend de la patience de l'élève, jointe à son désir ardent d'aller de l'avant.

 

La voie de l'initiation est également une voie d'épreuves: épreuves venant de l'initiateur, épreuves venant de Dieu, épreuves venant de soi-même et épreuves venant du monde; traverser ces épreuves est le signe du progrès réel pour le mourîd, tandis que celui qui n'accepte pas ces épreuves perd son temps.

 

L'Ordre (et cela peut se voir dans le mot «ordre» lui-même) signifie qu'il y a une certaine hiérarchie formelle d'initiateurs et de Pir-o-Murshid, et que l'on doit avoir de la considération pour eux, et les respecter comme des êtres qui sont allés plus loin dans cette direction choisie. Cette loi n'est en aucune manière différente de la loi de la nature et de la vie: quand un enfant qui a eu une attitude irrespectueuse envers ses parents devient à son tour père ou mère, il découvrira la même attitude chez ses propres enfants. Le soldat qui n'observe pas la discipline imposée par son capitaine ou son colonel subira la même expérience de la part de ses subordonnés quand plus tard il aura atteint le grade de capitaine ou de colonel. Mais la question est de savoir s'il parviendra jamais à ce grade sans avoir considéré et observé ce qui aurait dû être observé, car ceux qui ont progressé dans quelque voie que ce soit -musique, poésie, pensée, philosophie- l'ont toujours fait d'une manière humble, ayant à chaque pas de la considération pour ceux qui sont allés plus loin.

 

Il y a trois stades que l'élève, le mourîd qui emprunte la voie spirituelle, doit franchir. Le premier de ces stades est celui de la réceptivité, qui consiste à accueillir tout ce qui est donné sans se dire: «J'accepte cet enseignement-ci, mais tel autre je ne l'accepterai pas». Le stade suivant est le stade où l'on assimile les enseignements. Et le troisième stade est celui où on les fixe dans son esprit et où on laisse l'esprit découvrir la raison des choses; mais cela vient après l'assimilation. Ainsi, celui qui observe ces trois stades et les traverse attentivement avec constance -le stade de la réceptivité, celui de l'assimilation et celui de la réflexion-, ce mourîd-là sera le mourîd qui obtiendra d'heureux résultats dans cette voie.

 

Bien que sa forme extérieure puisse apparaître comme étant une hiérarchie, le Message Soufi conduit cependant à une véritable démocratie, puisqu'il contient la promesse de ce but auquel chaque âme aspire. En démocratie, c'est en réalité le but principal, car c'est cela qui fait la démocratie et que, selon la croyance soufie, l'étincelle divine se trouve dans chaque âme. C'est par la foi et la confiance en Dieu, en son Murshid, et dans la confiance et l'abandon à l'étincelle divine qui est dans notre propre cœur, que nous sommes assurés du succès dans la vie, si seulement nous voulons bien faire un pas en avant.

 

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Tawajo

 

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