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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


L'HOMME - ANGE
La Vie Intérieure
Chapitre 9
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

Le mot hindou "Deva" désigne un homme-ange; le terme soufi est: "Faristhakhaslat". La vie angélique est la première expression de l'âme; il n'est donc pas surprenant que l'homme, au cours de sa vie, laisse paraître des traits de la nature angélique puisqu'ils sont au fond de son âme. Ayant traversé des sphères et des plans d'existence différents, l'âme participe aux attributs de ces sphères et de ces plans. En s'agglomérant autour de l'âme, les attributs du monde inférieur lui font presque oublier son être le plus pur qui est la première expérience qu'elle a eue d'elle-même. L'âme qui, à travers toutes ses expériences dans la vie terrestre, est toujours encline à se tourner vers sa condition première, sa nature angélique, montre un caractère différent des caractéristiques de l'être humain en général; cette âme est comme la boussole qui indique toujours la même direction, de quelque manière qu'on la tourne. Il en est de même pour une âme qui est de nature à se diriger vers l'origine et la source dont chaque âme provient.

 

Or, cette âme peut avoir la même tendance depuis son enfance et durant la jeunesse et elle peut l'avoir gardée encore à l'âge adulte, et la développer toujours plus; mais ce penchant naît avec l'âme, et son magnétisme est grand. Elle attire toutes les autres âmes, parce qu'elle reste en contact avec son être réel, qui est l'être réel de toutes les âmes qu'elle approche; c'est pourquoi elle agit sur ces âmes comme un aimant. Deva est le nom de cette âme humaine pure.

 

Le type de l'âme suivant celui de Deva est le "Djnayn" d'où vient le mot Djinn. C'est la nature d'une âme qui reste en contact avec le monde intérieur reflété extérieurement dans tout ce qui est beau. Alors que l'âme de chacun recherche la beauté qui est au-dehors, l'âme Djinn porte son attention moins sur la beauté qui se reflète à l'extérieur, que sur la source de cette beauté, qui est au-dedans.

 

C'est parmi ceux dont la vie est la vie intérieure que l'on rencontre le plus souvent ces deux types caractéristiques du Deva ou ange, et du Djnayn ou djinn, parce qu'ils sont moins absorbés par la vie terrestre, donc plus attirés par la vie intérieure. Cela ne veut pas dire que ce monde ne les intéresse pas, cela ne signifie pas qu'ils ne prennent pas part à la vie sur terre: en fait, c'est son intérêt pour le monde extérieur qui y conduit l'âme. Sans cet intérêt elle n'y viendrait pas. Mais, tandis que la vie terrestre offre de l'intérêt pour l'âme, elle lui est en même temps une déception. Tout ce qui dans ce monde intéresse une âme belle et pure, ne le fait qu'aussi longtemps qu'elle ne s'en approche pas: dès qu'elle l'effleure, son intérêt s'évanouit; sa tendance naturelle est de se retirer. Les objets qui retiennent l'âme de tout le monde ne peuvent retenir cette âme. Ils peuvent l'attirer, parce qu'elle voit en eux le reflet apparent de ce qu'elle cherche, mais, dès qu'elle touche ce reflet, elle découvre que ce n'est qu'une ombre, ce n'est pas réel, et elle se retire déçue. Ainsi s'écoule la vie du Deva ou du Djinn.

 

Les poètes de l'Inde ont chanté ce trait particulier au lièvre: lorsqu'il a soif, il erre dans la forêt; il manifeste un grand contentement lorsqu'il entend le grondement du tonnerre et il se met à courir avec le désir de boire. Mais, parfois, il n'y a que du tonnerre ou, s'il pleut ce n'est qu'une ondée; il n'y a pas assez d'eau pour boire, et le lièvre a toujours soif. Ainsi est, dans ce monde, la soif d'une âme fine. L'âme de celui que la vie spirituelle attire est toujours altérée; elle cherche constamment quelque chose, elle cherche partout. Quand elle croit avoir trouvé, ce n'est pas ce qu’elle cherchait, et, ainsi, la vie devient une lutte incessante et une déception sans cesse renouvelée. Il s'ensuit qu'au lieu de s'intéresser à tout, elle éprouve une sorte d'indifférence, et pourtant dans son vrai caractère il n'y a pas d'indifférence, mais seulement l'amour. Alors même que la vie semble devoir rendre cette âme indifférente, l'âme ne peut le devenir vraiment; et c'est de cette situation que naît un sentiment que, seul, un mot hindou peut exprimer: aucune autre langue ne possède de terme aussi adéquat. Les Hindous l'appellent: "Vairâgya", d'où vient le mot "Vairâgi". Par "Vairâgi", on entend l'être qui est devenu indifférent, bien qu'indifférent ne soit pas le mot qui convienne; celui pour qui tout ce qui attire l'être humain a perdu sa valeur: cela ne l'attire plus, cela ne l'asservit plus. Il peut continuer à s'intéresser aux choses de ce monde, mais il n'y est plus attaché. Le premier sentiment du Vairâgi est de se détourner de tout. Il montre la même nature que le lièvre qui se sauve au bruissement d'une feuille, car il est devenu sensitif, et convaincu des résultats décevants causés par la limitation et la variabilité de la vie dans le monde. Blessé dans son for intérieur, il devient sensitif, et la première idée qui lui vient à l'esprit est de se sauver, de se cacher quelque part, d'aller dans une caverne de la montagne ou dans la forêt, là où il ne rencontrera personne. Nulle affaire de ce monde, nulle relation, nulle amitié, nulle richesse, nul rang ou dignité, nulle fonction, nul bien-être, rien ne l'attache plus à la terre. Cela ne signifie pourtant pas qu'il soit dépourvu de ce qu'on appelle amour ou bonté, car s'il vit sur cette terre c'est seulement par amour. Quand il n'a pas d'intérêt pour le monde, l'amour seul l'y maintient; l'amour qui ne se manifeste plus par l'attachement, mais seulement par la bonté, le pardon, la générosité, le service, les égards, la sympathie, l'aide qu'il apporte dans toutes les occasions, n'attendant jamais rien du monde, mais faisant tout ce qu'il peut, éprouvant de la pitié pour les conditions douloureuses qu'il rencontre, et connaissant les limites et la continuelle variabilité de la vie.

 

Lorsque ce Vairâgi est allé plus loin dans son évolution, il devient semblable au serpent: sage comme le serpent, et, comme lui, il recherche la solitude. Le serpent n'aime pas se mouvoir dans la foule; il a toujours son gîte ou il se cache; il n'en sort que lorsqu'il a faim ou soif et, quand il a pris sa nourriture, il est satisfait, tandis que les chiens et les chats en veulent toujours plus. Quand le serpent est rassasié, il retourne à son trou et il y reste jusqu'à ce que la faim l'en fasse sortir de nouveau; il a perdu toute voracité. De même l'âme du Vairâgi: il ne désire vivre dans ce monde que pour les autres, non pour lui-même. Il est en relation avec les hommes pour les servir, ne demandant pas à être servi, pour les aimer, ne demandant pas à être aimé, pour être leur ami, ne demandant pas leur amitié. Il ne connaîtra pas une seconde désillusion, une suffit. Lorsque le Vairâgi a appris à connaître la fausseté de la vie ordinaire, il ne se laisse plus jamais tromper. Il voit les gens avec les yeux de l'expérience et dit. "Je n'attends rien de vous; si je viens à vous, c'est pour donner, non pour recevoir; je fais tout pour vous, mais je reste libre de tout attachement". Tel est le mot d'ordre du Vairâgi.

 

Lorsque le Vairâgi se développe toujours plus dans ce sentiment de Vairâgya, il devient un lion. Il n'est plus le serpent qui cherche la solitude bien qu'il continue à l'aimer. Il n'est plus le lièvre qui fuit loin de la foule. Il est le lion intrépide, il fait face à toutes les difficultés. Non plus sensitif, mais en possession de toute sa force, de tout son pouvoir, avec tout son équilibre, il souffre patiemment, au milieu de la foule, parmi les hommes, brave et courageux. Dans quel but? Pour supporter tout ce qui lui arrive, tous les chocs qu'un être sensitif reçoit dans le monde; pour regarder chacun en face, l'esprit courageux, puisant sa force dans la vérité, et gardant une conscience limpide. C'est ainsi que l'âme-lion du Deva, de l'homme-ange, vient au secours de l'humanité. Celui qu'on appelle le Maître ou le Saint ou le Prophète ou le Sage, est le Vairâgi arrivé à ce plan de l'évolution. Il est comme le fruit que le soleil a fait mûrir sur l'arbre. Ainsi cette âme que l'expérience de la vie a mûrie, sans jamais permettre à cette expérience de l'affaiblir de quelque manière que ce soit, et qui, le mental bien équilibré, a su maintenir la Vérité, avec espoir et patience, guidée par son amour pour l'humanité et de son désir de servir Dieu, sans attendre en retour ni estime ni récompense d'en bas ou d'en haut, ainsi cette âme du Deva, apporte le Message Divin, à quelque moment qu'Il vienne, à une communauté, à une nation ou au monde.

 

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La Vie Intérieure   Les cinq différentes sortes d'âmes spirituelles

 

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