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Murshida Sharifa Lucy Goodenough


LA LIBERTE
Les Fruits de la Sagesse
Murshida Sharifa Lucy Goodenough


 

Si nous écoutons le monde, nous nous rendrons compte qu'il emploie très souvent le mot "liberté". Nous le voyons écrit au fronton des monuments publics et même écrit sur les murs. Mais la liberté est très difficile à trouver. Chacun souhaite être libre et bien peu de personnes se sentent libres; chacun se sent plutôt enchaîné, en captivité, chacun sent qu'il vit comme les circonstances le forcent à vivre. Bien rares sont ceux qui peuvent dire qu'ils font librement ce qu'ils veulent faire. Quant à ceux qui sont extérieurement libres, qui pourraient faire ce qu'ils veulent parce qu'ils en ont les moyens et que les circonstances de leur vie sont favorables, très souvent ne savent pas ce qu'ils veulent et deviennent prisonniers de leur propre incapacité.

 

Le désir de liberté existe en tout être humain comme en tout être vivant. On peut enfermer le plus minuscule insecte dans une petite boite, il voudra s'échapper et grimpera sur les parois de cette petite boite, il voudra trouver un trou pour sortir. Si nous disons à un enfant qu'il doit rester à la maison, il est mécontent; il voudrait pouvoir aller où il veut. Et en même temps, chacun éprouve qu'il est prisonnier d'autrui, il y a toujours quelqu'un qui a une emprise sur lui et qui l'empêche d'avoir la liberté à laquelle il aspire. Ce peut-être sa famille que pourtant il aime et qui l'aime, ou bien ses supérieurs dans sa profession, ou bien encore l'autorité de la Loi et de l'Etat qui l'oblige à faire ceci, qui défend de faire cela.

 

Autrefois, le roi était l'image de la liberté et aussi de l'autorité; aujourd'hui, c'est la collectivité. Pour les choses les plus simples, il faut s'adresser à cent bureaux, à mille employés, attendre que la personne très ordinaire qui doit donner une autorisation en ait décidé ainsi pour faire ce qu'on souhaite faire. Au nom de la liberté, on nous prive de la liberté. Certainement, on nous en a exagérément privé parce qu'on a trop compliqué les choses, mais quelles que soient les circonstances de la vie, personne n'est libre, et cependant ce mot de liberté revient sans cesse dans les discours dès qu'il est question de politique, et même en privé.

 

 

Et puis il y a l'idée non pas de liberté, mais de délivrance qui existe dans certaines religions et cette idée est une partie essentielle de leur enseignement. On dit que l'humanité vit dans un état de péché, que tous les êtres humains sont pécheurs et par conséquent sont privés de liberté, mais qu'ils peuvent être sauvés, c'est-à-dire élevés à une condition supérieure après leur mort. C'est un reflet de l'idée de la libération de l'âme. En réalité l'âme n'est pas libérée du péché, elle n'est pas coupable d'offenses faites à Dieu, mais elle est victime de la captivité dans laquelle elle est entrée. Il y a ceux qui définissent le péché comme un état de séparation d'avec Dieu, mais cette séparation est une illusion dans laquelle l'âme est entrée, illusion qui devient pour elle comme une prison. Il n'y a pas besoin de se libérer des péchés. Ce n'est pas quelque chose que l'âme ait fait pour offenser un être quelconque; comme un oiseau pris dans un filet qu'on lui a tendu, l'âme a volé vers ce monde, et arrivée dans ce monde elle s'est trouvée prisonnière, captive. Et elle s'est trouvée non seulement prisonnière de ce monde lui-même, mais de toutes les choses qui lui plaisaient, qui l'intéressaient; et malgré tout l'attrait de ces choses, elle souhaite toujours se libérer, elle ne voudrait pas être limitée à ces choses. Elle voudrait pouvoir les abandonner. Ces choses lui semblent comme un morceau de sucre qu'on met entre les barreaux de sa prison. L'oiseau préférerait vivre sans sucre si seulement il pouvait voler à l'air libre à sa guise. Et l'âme aussi! Elle ne se soucie pas des douceurs de ce monde lorsque l'attrait de la liberté s'éveille en elle.

 

Parfois les voyages donnent l'illusion de la liberté; l'on n'est plus dans le même environnement, l'on va où l'on veut, vers des choses qui vous plaisent; et cela semble une image du voyage que l'âme souhaite faire, et qu'il lui arrive de faire en effet car aucune âme n'est entièrement prisonnière. Chaque âme en effet jouit de sa liberté dans le sommeil et aussi au cours de certains moments fugitifs où elle sent que sa captivité n'existe plus.

 

Ce désir de liberté est beaucoup plus fort chez certains êtres. Parmi eux, il y en a qui l'éprouvent rarement, d'autres qui l'éprouvent constamment. Ceux-là ne sont pas mécontents, mais ils ne sont jamais pleinement satisfaits; ils ne sont pas agités, mais ils n'ont pas de repos. Leur âme tend vers quelque chose qu'elle ne définit pas, pourtant elle se réjouit des belles choses qui l'entourent, mais elle dit sans cesse: "Non, ce n'est pas cela". Ces êtres ont souvent un sentiment qui leur ferait dire: "Je souhaite quelque chose, mais je ne sais pas quoi. Il y a en moi une attente perpétuelle; je ne sais pas ce que je veux". Ils attendent le moment où le nuage disparaîtra, le moment où toutes les limites cesseront d'exister.

 

Le silence tel que l'entend le mystique, le silence méditatif est une voie de libération. Dans ce silence, il y a des moments où les limitations disparaissent: limitation des pensées du mental, limitation des sensations, des émotions, des sentiments. Et le bienfait que l'on ressent après avoir joui de quelques instants de silence vient de cette libération temporaire de l'âme. Elle s'est sentie libre et ce sentiment l'a portée au-delà de tout le bonheur que la terre peut offrir, au-delà de toute les libertés que l'on peut chercher dans le monde. Tout cela s'est éloigné. La captivité a cessé et l'on se trouve dans une atmosphère différente de toutes celles que l'on a laissées derrière soi.

 

 

La liberté n'existe pas dans la vie que l'on expérimente étant dans un corps limité, et la liberté n'existe pas non plus pour un être humain qui est sujet aux variations de sa santé, à des hauts et des bas dans ses forces physiques, à des émotions qui ne durent pas, à des sentiments qui changent. Chaque chose est une chaîne qui nous relie à une autre chose; même un sentiment très élevé est une chaîne, une chaîne que nous portons avec bonheur, mais que nous portons tout de même. Une chaîne peut être en or, c'est encore une chaîne qui nous accompagne toute notre vie. Même l'âme la plus évoluée subit des difficultés à cause de cet instrument imparfait et non exempt de limitation.

 

Tout ce qui est à faire c'est de se résigner à la volonté qui se manifeste à travers toutes ces limitations; de voir le monde et la vie non pas comme des circonstances contraires à notre volonté, qui entravent la liberté que nous souhaiterions avoir, mais de regarder chaque chose comme une manifestation de la volonté divine. Dans chaque être humain, disent les Soufis, il y a une partie Allah et une partie banda; Allah qui est exempt de limitation et banda, mot qui veut dire esclave, esclave qui est impuissant, qui porte les chaînes, qui obéit à des ordres, qui ne fait pas ce qu'il veut. Mais on peut être heureux si banda obéit à Allah en nous, et si pour le reste nous nous inclinons devant la volonté divine qui se manifeste à la fois par les bienfaits qu'elle nous accorde et par le choses contraires à notre bien-être moral et physique, et difficiles à supporter.

 

Quand le Murshid Abou Hashim Madâni, le Maître de Hazrat Inayat, était très malade et souffrait beaucoup, peu de jours avant la fin de sa vie sur terre, Hazrat Inayat qui était allé le voir se demandait: "Pourquoi cet être qui est si grand, si évolué, doit-il tant souffrir". Hazrat Inayat n'avait pas dit un mot, mais son Pîr, son maître, savait ce qui se passait dans son cœur et il lui répondit: "Esclavage est impuissance". Même l'âme la plus évoluée et la plus désireuse d'employer toutes ses forces pour le bien d'autrui, qui souhaite avoir toutes ses forces pour ce but qui est le plus élevé qui puisse être, même cette âme est limitée dans sa vie sur la terre.

 

Quand Murshid Inayat Khan était malade et souffrait d'atroces douleurs, il me dit: "Ce sont des lueurs de Sa miséricorde". Il voyait ses souffrances comme étant des rayons de la miséricorde de Dieu; non pas toute la miséricorde, mais des rayons.

 

La manière de se sentir libre est de se sentir conscient de la partie Allah de son être, et c'est là tout le but du Soufi.

 

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Le livre de la sagesse pratique

La liberté de l'âme

 

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