soufi-inayat-khan.org

Murshida Sharifa Lucy Goodenough


La philosophie de l'âme

Murshida Sharifa Lucy Goodenough


 

L'âme est appelée en sanscrit "Atma", en persan on l'appelle "Rouh". Quand on demanda au Prophète: "Qu'est-ce que l'âme?", il répondit par deux mots: "Umri Allah", "une activité de Dieu".

 

La liaison entre la conscience et l'âme est semblable à la liaison entre le soleil et son rayon. Le rayon est formé par l'activité du soleil émettant sa lumière. L'activité de la conscience émet son rayon, qu'on appelle l'âme. L'activité en une certaine partie de la conscience fait que cette partie se projette vers la manifestation. Le rayon est le soleil, mais nous distinguons le rayon comme étant à part, distinct en lui-même, plus long ou plus court, plus puissant ou plus faible, selon l'état d'activité qui est en lui.

 

L'âme, durant sa vie sur terre et ensuite, ne change pas son lieu d'existence; si quelque changement se produit, c'est dans la direction de son mouvement. L'âme n'a, à l'origine, aucun poids, mais, en chemin, elle rassemble autour d'elle des propriétés qu'elle-même produit et qu'elle emprunte sans cesse aux éléments qui composent l'univers, et, de même que nos possessions ne sont pas nécessairement nous-mêmes, ses propriétés ne sont pas l'âme. La meilleure comparaison est celle de nos yeux, dans lesquels de vastes étendues de campagne, d'énormes montagnes et des milles d'horizon sur la mer sont réfléchis d'un coup, et pourtant les yeux sont à peine longs et profonds d'un pouce. Telle est la nature de l'âme, qui est si petite relativement à la quantité innombrable des âmes que contient l'univers et pourtant assez vaste pour contenir en elle l'univers entier.

 

L'être extérieur, le mental et le corps, ont enfermé une portion de la conscience entière; cette portion même est en réalité l'âme. C'est comme si une ligne était tracée sur une étoffe, la marquant ainsi comme séparée de la totalité. Ou c'est comme si nous étions devant un écran avec une petite lanterne de telle sorte que la lumière de la lanterne forme un halo en tombant sur lui. De la même manière, les impressions du mental et du corps sont réfléchies sur l'âme et la séparent de la totalité de la conscience. Sur l'âme sont réfléchis le bonheur ou la misère, la joie ou la tristesse de l'être extérieur, mais l'âme en elle-même n'est ni triste ni joyeuse. L'âme n'est sujette ni à la naissance ni à la mort, et elle n'a non plus ni croissance ni déclin; elle n'évolue pas plus qu'elle ne dégénère.

 

Si vous vous tenez habillé en haillons devant un miroir, le miroir reflétera vos haillons, mais il ne sera pas lui-même dans la misère. Si vous vous tenez devant le miroir couvert de perles et de diamants, la réflexion des perles et des diamants tombera sur le miroir, mais le miroir ne se changera pas en perles et en diamants. Ainsi en est-il de l'âme; elle n'est ni pécheresse ni vertueuse; elle n'est ni riche ni pauvre. Toute la joie et le chagrin de la vie, l'élévation et la chute sont reflétés pour un temps sur l'écran de l'âme, et après quelque temps disparaissent. C'est pourquoi la joie comme le chagrin d'hier ne sont plus rien pour nous aujourd'hui.

 

L'âme et le corps sont la même essence; c'est d'elle-même que l'âme a formé le corps, l'âme étant plus subtile, le corps plus grossier. Ce que, dans l'âme, on peut appeler vibration, dans le corps devient atome. L'âme est devenue mental pour expérimenter davantage, elle est devenue corps pour expérimenter plus concrètement encore; pourtant le mental est indépendant du corps, et l'âme est indépendante à la fois du mental et du corps.

 

L'âme voit à travers le mental et le corps, le corps est comme les jumelles du mental, et le mental est le télescope de l'âme. C'est l'âme qui voit, mais nous attribuons la vue et l'ouïe aux yeux et aux oreilles. En l'absence de l'âme, ni le corps ni le mental ne peuvent voir. Quand un individu est mort, les yeux sont là, mais ils ne peuvent pas voir, les oreilles sont là, mais elle ne peuvent pas entendre.

 

C'est le travail de l'âme de connaître et de voir, et c'est le travail du mental et du corps d'agir comme une loupe grossissante pour elle. Cependant ceux-ci à leur tour voient et entendent ce qui leur est extérieur, car la conscience travaille aussi à travers eux. L'âme voit le jeu de la pensée dans le mental, le mental perçoit les douleurs et les sensations du corps, le corps est conscient de la chaleur, du froid et du toucher. Sa conscience peut être constatée quand quelque chose est sur le point de tomber sur lui par accident; avant que le mental ne puisse élaborer un plan de sauvetage, la partie exposée du corps s'arrange pour y échapper.

 

Le mental voit seulement le corps, mais l'âme voit à la fois le mental et le corps; ni le corps ni le mental ne peuvent voir l'âme. L'âme est habituée à voir ce qui est devant elle, et ainsi ne peut se voir elle-même. Notre âme a toujours regardé au-dehors, c'est pourquoi nos yeux, notre nez, nos oreilles, tous nos organes de perception sont externes. C'est notre mental et notre corps qui attirent l'âme au-dehors. Et comme les yeux, qui voient toutes choses, ont cependant besoin d'un miroir pour se voir eux-mêmes, ainsi l'âme ne peut se voir elle-même sans miroir.

 

Quand les yeux sont fermés, pensez-vous que l'âme ne voit rien? Elle voit. Quand les oreilles sont closes, pensez-vous que l'âme n'entende rien? Elle entend. Cela prouve que c'est l'âme qui voit et qui entend. Dans la vie méditative, en contemplant l'"Anvar" et l'"Ansar", un Soufi réalise ce fait qu'il y a des objets que, sans l'aide des yeux, l'âme peut voir et qu'il y a des sons que, sans l'aide des oreilles, elle peut entendre. Le grand poète Kabir a dit: "Quel jeu est-ce-là? Quand l'aveugle lit le Coran, le sourd entend la Gita, le manchot est habile de ses mains, et le cul-de-jatte se prend à danser." Il fait allusion à l'âme qui possède la capacité de travailler même sans instruments, tels que les organes du corps et les facultés du mental.

 

Le sommeil, la condition d'inconscience, est l'état originel de la vie, duquel tout est venu. "Le monde a été créé de l'obscurité", dit le Coran. Comme le corps dort et le mental dort, ainsi l'âme dort. L'âme ne dort pas toujours au même moment que le mental et le corps. De ce sommeil de l'âme, seuls les mystiques font l'expérience. Ils sont conscients de cette expérience en eux-mêmes; et ainsi peuvent la reconnaître chez d'autres. Le corps dort davantage que le mental, l'âme dort beaucoup moins que le corps et que le mental. Quand une personne est profondément endormie, son âme ne perd pas contact avec le corps. Si l'âme perdait son contact avec le corps, la personne mourrait; si l'âme se retirait du mental, le mental serait dispersé, la collection des pensées serait éparpillée, ce serait comme une éruption volcanique.

 

L'âme prend plaisir aux expériences des sens, à manger et à boire, à toute expérience. Elle s'adonne à cela, et plus elle s'y adonne, plus elle s'y attache. Tout ce que nous mangeons et buvons contient un narcotique, même l'eau pure. Par conséquent, après avoir mangé et bu, une sorte de sommeil nous vient, l'âme se sent un peu délivrée, elle se sent quelque peu détachée du corps. L'âme ne peut pas être facilement libre du corps et du mental. Bien que sa joie réelle soit d'atteindre la paix en étant libre d'expérience, pourtant elle l'a oublié. "Heureux celui qui la garde pure et perdu celui qui la corrompt", dit le Coran. Il y a des gens qui s'adonnent à l'alcool, au haschich, à l'opium, aux drogues et à toutes ces choses. Sous leur influence, les troubles du corps sont moins ressentis et les pensées sont rendues floues, l'âme se sent soulagée; mais c'est un bonheur transitoire parce qu'il est dépendant de la matière au lieu de l'être de l'esprit.

 

Une personne ordinaire sait qu'après un profond sommeil, elle est calme, elle se sent reposée, elle se sent mieux, ses pensées sont plus claires. La condition de "Hal" ou "Samadhi", la condition la plus élevée, est la même que celle du sommeil profond, la différence étant seulement que cela est expérimenté à volonté. La différence entre l'être parfait et l'être ordinaire est seulement celle-ci: que l'être parfait fait consciemment l'expérience de ce dont l'être imparfait fait inconsciemment l'expérience. La nature accorde à tous la même expérience, mais la plupart des gens en sont inconscients, ce qui est à leur désavantage.

 

Quand le mental sera dispersé, aucune impression ne restera sur l'âme, rien ne l'empêchera de s'immerger dans la Conscience totale.

 

Quelques philosophes ont dit que nous sommes des parties de Dieu. Il n'en est pas ainsi. Ils ont dit cela parce qu'ils ont vu le corps physique. Que peut voir de plus l'intellect? Dans l'existence physique, chaque individu est distinct et séparé, mais derrière cette existence physique, tous sont un, la Conscience est une. S'il n'en était pas ainsi, nous ne serions pas capables de nous connaître les uns les autres, ni le visage, ni la voix, ni le langage les uns des autres. Nous pouvons savoir, si nous avançons spirituellement, comment est notre ami; s'il est au Japon ou en Arabie et que nous soyons ici, nous pouvons savoir s'il est malade, s'il est triste ou heureux; et non seulement l'état de nos amis, mais chaque chose est connue de l'âme avancée.

 

-oOo-

 

Les instruments de l'âme

 

Présentation La Musique du Message Accueil Textes et Conférences Lexique
Accueil