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Murshida Sharifa Lucy Goodenough


LA NATURE
Qu'appelons la nature
Murshida Sharifa Lucy Goodenough


 

C'est un sujet très vaste, surtout si on le comprend dans le sens où les Soufis le comprennent, un sens qui englobe non seulement les arbres, les rivières, les montagnes, mais tout ce qui vient des premiers mouvements de la Manifestation.

 

Le premier mouvement de la Manifestation est Dhât, le Connaissant, qui est l'essence même, le caractère permanent de la Nature, le Non-Manifesté. Dhât se développe en Sifat, le Connu, le Manifesté dont le plein épanouissement aboutit à la nature humaine. Puis Sifat s'absorbe de nouveau en Dhât. Dans la nature humaine, le caractère correspond à Sifat et sa conscience, comme ses caractères innés à Dhât; et chez l'être humain, l'on voit le retour vers Dhât se faire soit consciemment, par un effort de volonté, soit inconsciemment, sous l'influence de l'entourage ou des circonstances.

 

La nature nous semble elle-même plus que le caractère, car nous constatons souvent qu'à travers la vie, notre caractère s'est modifié; nous sommes conscients de la possibilité que nous avons de changer notre caractère par notre volonté tandis qu'il est infiniment plus difficile de changer la nature. L'on connaît bien le dicton: "Chassez le naturel, il revient au galop". Changer cette part de la nature qui est faite de tendances innées paraît impossible jusqu'à ce que l'on remonte aux sources de son être. Et c'est seulement lorsque l'on est remonté à la source de son être que l'on trouve sa nature permanente et immuable.

Ce passage peut signifier qu'il y a une gradation entre les traits de caractère acquis au cours de la vie par emprunt ou éducation (par exemple le fait de devenir trop critique, ou trop raide à l’égard des autres, ou craintif à cause d'expériences pénibles etc.), les traits plus profonds (par exemple la disposition à la colère, au pessimisme, à l'humour, à l'humeur méditative etc.) qui sont encore plus difficiles à changer, et les traits fondamentaux de la nature, les dons et aptitudes que nous apportons en naissant. Mais c'est seulement lorsqu'on arrive pour ainsi dire au Zat de soi même, à la source de son être, que l'on découvre l'immuable et le permanent - ce qu'on appelle, en d'autres termes, libération ou nirvana. (Note du transcripteur).

Ce que nous entendons par nature - arbres, rocs, rivières, lacs, fleuves, mers, fleurs - est infiniment reposant pour nous et nous élève; si nous avons été constamment dans une ville et que nous arrivions dans une campagne paisible qui n'a pas été troublée par les activités de l'homme, nous sentons une détente, toute notre propre nature se repose.

 

De même, tout ce qui est à la surface de la nature nous intéresse et nous attire par son changement continuel. Mais la vie de notre propre nature a une influence beaucoup plus grande, et elle est plus importante chez nous-mêmes et chez les autres.

 

Dans la nature, en général, nous distinguons ce qui est fait par elle-même de ce qui est changé par l'homme. De ce qui est changé par l'homme, nous disons ou bien que c'est artificiel, ou bien que c'est artistique. Ce qui est artistique provient du mouvement de l'âme pour exprimer ce qu'elle sent; ce qui est artificiel provient d'un souci de commodité, d'utilité, et cela n'exprime pas une chose profonde venant de notre nature.

 

L'œuvre artistique est créée par l'esprit intérieur de l'homme; dans l'œuvre d'art, son âme, son cœur se manifestent. Cela explique pourquoi une œuvre d'art nous attire, nous intéresse, nous élève, tandis que tout ce qui est artificiel nous fatigue. Le point culminant dans une œuvre d'art parfaite est atteint lorsqu'elle est comme une continuation de la nature, tandis que dans les choses artificielles, il n'en est pas ainsi, leur développement est artificiel. Toutes les complications de notre vie journalière, comme de se servir de fourchettes, d'assiettes, etc., tout cela fatigue beaucoup à la longue et l'on en arrive à souhaiter de retourner dans la nature où il n'y a rien de si compliqué, rien d'artificiel.

 

C'est tout ce qui tend à un développement plus élevé, à monter à un sommet, à arriver à une perfection qui nous attire, nous inspire; aller vers le bas nous inspire de l'horreur, c'est un développement monstrueux. Par exemple, la représentation d'un cheval qui a des ailes nous inspire, bien que la nature ne l'ait jamais créé; nous pouvons sentir en le regardant que ce fut, pour les êtres du passé, un symbole de la poésie; il en est de même pour les anges représentés avec des ailes. Mais si nous voyons l'image d'un cheval qui a les quatre pieds d'un cheval et la tête d'un ver, nous ressentons de l'horreur, car si le mouvement de la nature qui va vers un plus grand développement, une ascension, s'est abaissé, retourné, il semble que le caractère de la nature ait été changé, et tout ce qui est contraire à la nature est une monstruosité.

 

Il en est de même pour les sentiments de l'homme. Si la nature est détournée, elle est viciée, elle va vers le bas, elle est tournée contre elle-même, elle montre de la cruauté et tout ce qui est contraire à son développement naturel. Pour ce qui est du caractère de l'homme, s'il parvient à accorder son caractère avec les beaux traits de sa nature, il nous montre quelque chose de très beau, il nous rappelle que la nature est harmonieuse et belle. Hazrat Inayat Khan dit que lorsque le caractère répond à la nature, la personnalité est achevée et parfaite. S'il y a conflit entre la nature et le caractère, la personnalité n'est pas harmonieuse, elle est manquée. L'homme peut rendre son caractère tel qu'il réponde à ce qu'il y a de beau dans sa nature; il peut toujours perfectionner son caractère. De même, si sa nature et son caractère sont dans la même ligne de développement, la personnalité sera forte; s'ils sont différents, il ne pourra y avoir un grand équilibre ou une grande perfection. Mais on peut toujours modifier le caractère et l'harmoniser avec la nature. Certaines qualités sont innées et faites des empreintes que nous avons apportées sur la terre, avant de commencer la vie sur la terre; d'autres viennent des impressions de la petite enfance. Il arrive qu'un petit enfant soit très beau, et quand il grandit, sa beauté disparaît. Il en est de même pour un caractère, il peut changer en moins bien; parfois c'est le contraire, il devient comme une fleur cultivée avec soin, qui prend une beauté que la plante ne semblait pas posséder d'abord.

 

Quelle est la plus belle œuvre d'art? Assurément une œuvre d'art qui vit. Une œuvre d'art qui vit et possède la faculté de perfectionnement, c'est la personnalité humaine. Chacun peut la façonner lui-même; c'est difficile, cela comporte bien des sacrifices, et tout d'abord le sacrifice de l'ego. Mais l'ego ne se laisse pas sacrifier facilement, il y a l'orgueil de l'ego; on tient à être tel qu'on est, on est fier de ce qu'on a, on est fier de ce qui constitue son individualité. Pour admettre que l'on puisse se modifier, il faut un certain degré d'humilité; et puis une longue patience; et puis beaucoup d'idéal. Mais si l'on se rappelle ce que l'on a connu dans sa vie de plus précieux, c'est la beauté d'une personnalité. Chez ceux qu'on a vu, chez ceux de qui l'on a appris, c'est cela qui a laissé l'impression la plus profonde à travers le temps, à travers les siècles même. Car les êtres que l'on admire le plus, que l'on idéalise, sont ceux dont la personnalité a le plus impressionné les autres. Parfois, ils sont peu connus de leur temps, mais les hommes des générations successives idéalisent de telles personnalités. Les Bouddhistes, par exemple, vénèrent Bouddha pour la beauté, la paix, la miséricorde qui est en lui; les Chrétiens adorent le Christ pour son amour et son pouvoir de sacrifice, vénèrent les saints pour la beauté de leur personnalité.

 

Ceci prouve que la plus belle chose que la Nature puisse faire, c'est un être humain qui a la beauté de la nature et du caractère, qui fait de cette beauté une beauté parfaite.

 

Mais il y a le revers de la médaille, le contraire existe: un être humain qui a dépravé son caractère finit par dépraver sa nature, il la change en quelque chose de plus bas. Un tel être inspire de l'horreur autour de lui. Cependant, dans chaque être humain, il existe la possibilité de créer le bonheur, il possède en lui ce qui peut le faire naître et s'épanouir, car le bonheur est naturel à chaque âme si l'on en scrute le fond. Si les qualités qu'il possède peuvent s'épanouir en chacun, chacun manifestera en lui la beauté, la beauté par laquelle à travers lui, la Nature souhaite se manifester.

 

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La Nature

  Dhât

 

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