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Murshida Sharifa Lucy Goodenough


LE ROLE DU SOUFFLE DANS LA VIE DE L'HOMME

Murshida Sharifa Lucy Goodenough


 

Quel est le rôle du souffle dans la vie de l'homme? D'abord, physiquement, la présence ou l'absence du souffle prouve qu'un être est en vie ou qu'il ne l'est pas. Mais ce que le mystique entend par "souffle", ce n'est pas l'action de respirer, ni l'air qui passe dans les poumons, c'est un courant de vie extrêmement subtil, plus puissant que tous les courants que nous connaissons; il ressemble au courant électrique, mais il est beaucoup plus fin que le courant électrique.

 

Le souffle et son action ont été connus des mystiques à toutes les époques, et pas seulement des mystiques. Lorsque vous entendrez parler ou que vous lirez quelque chose au sujet des croyances ou des idées philosophiques de n'importe quelle peuplade, que ce soit en Afrique ou dans d'autres pays, il y est question du souffle comme d'une petite action dans une grande, comme d'un courant qui anime l'être humain, qui est en lui, qui est sa vie, son être même. L'homme qui vit de façon naturelle connaît plus ou moins ses effets, tandis que nous, gens civilisés ou croyant l'être, nous avons perdu conscience de ce souffle.

 

L'on peut constater aussi qu'il est toujours question du souffle dans les Ecritures Sacrées de n'importe quelle race; dans l'Ancien Testament, il en est toujours question; seulement le mot pneuma a été traduit par "esprit", jamais par le mot "souffle" qui pourtant y correspond.

 

Pourquoi et comment avons-nous perdu ce contact? Parce que généralement nous nous laissons guider entièrement par notre raison, et comme notre raison n'a pas reconnu le souffle, il n'existe pas pour nous. Il en est de même de la science; malgré toutes les découvertes merveilleuses qu'elle fait, elle reste difficilement attentive à ce que pourrait dire quelqu'un qui a constaté quelque chose dont elle ne s'est pas occupée. L'homme de science dit: "La science, c'est mon domaine, et ce que vous avancez est hors de mon domaine."

 

Nous vivons individuellement dans le cercle limité de nos connaissances habituelles, et, par conséquent, le souffle se trouve exclu de nos préoccupations. Cependant il n'y a rien de plus important; même la respiration physique est importante et pourtant rares sont ceux qui s'y intéressent. Même un homme de science ne sait généralement pas s'il respire par les deux narines ou s'il respire parfois davantage par une narine et parfois par l'autre; ou si vous posiez la question: "Etes-vous en train d'inhaler ou en train d'exhaler?", on ne saurait souvent pas vous répondre. Tous nous sommes comme cela. Quelquefois, ceux qui s'intéressent à la respiration veulent la développer, émettre un grand volume de souffle, et, quelquefois, ils accomplissent des efforts de gymnastique qui aident la santé; ou encore ils font des exercices pour accompagner la récitation et pour émettre une voix qui touchera une très grande salle, mais qui, ne venant pas du coeur, n'atteint pas le coeur, ni l'âme: elle atteint les oreilles et ne va pas plus loin. Vous pourrez le constater avec des gens qui s'occupent du souffle à ce point de vue.

 

En réalité, le souffle est une substance infiniment subtile et fine, substance dont nous sommes faits, qui est notre être, et qui, à tout moment de la journée, vit et fait son oeuvre dans notre corps et dans notre esprit. Le souffle travaille, il travaille comme il veut, et, selon son état, nous sommes bien portants ou mal portants, nous sommes bien disposés ou non, calmes ou excités, bons, doux, aimables, ou bien irrités, en colère. Nous dépendons du souffle qui change selon les circonstances.

 

Le souffle participe des différents éléments que reconnaissent les mystiques et, quand il passe dans un certain élément, que ce soit l'éther, l'air, l'eau, le feu ou la terre, il prend le caractère de cet élément et il produit l'effet de cet élément note. Un être humain manifeste ces effets et les ressent sans que sa volonté y fasse quoi que ce soit. On est déprimé sans en savoir la cause, on ressent la joie de même, on manifeste beaucoup d'endurance et on s'en étonne soi-même; ou bien on est sans énergie et on n'en voit pas la raison. Tout cela dépend du souffle.

 

Les mystiques ont toujours donné la plus grande attention au souffle. Ils l'ont étudié, ils l'ont observé d'abord, ils en ont reconnu les effets et les différents états, et ils ont vu que le souffle avait une couleur différente, prenait une odeur et un goût particuliers suivant l'élément par lequel il passe. Et ils ont de même reconnu que tous les effets produits extérieurement sont produits par le souffle.

 

Si l'on essaye de méditer sans l'aide du souffle, l'on reste impuissant. Quoiqu'un être spirituel puisse s'élever par la méditation sans l'aide du souffle à une très grande hauteur, et connaître des expériences élevées, il aura cependant très peu de contrôle par rapport à ceux qui l'ont maîtrisé. Ceux qui ne l'ont pas maîtrisé connaîtront des moments ineffables, puis des moments de grande sécheresse. Celui qui aura maîtrisé le souffle s'élèvera comme il voudra.

 

La toute première chose dans l'étude du souffle, c'est de l'observer. De même qu'il est bon pour toute étude d'avoir une idée de ce qu'on veut étudier, d'en avoir une connaissance intellectuelle avant de commencer son observation, de même en est-il pour le souffle. Si nous ne savons pas que, à un moment nous inhalons, à un autre moment nous exhalons, nous ignorons tout de notre souffle; chacun fera cette observation pour lui-même. Que savons-nous du temps employé proportionnellement pour l'inhalation et pour l'exhalation, de l'effet produit par la rétention du souffle pendant un temps déterminé? En général, nous n'en savons rien.

 

Mais il y a de graves dangers à pousser des expériences avec le souffle en étant tout seul. Il en serait comme de manipuler l'électricité sans tenir compte des expériences de ceux qui nous ont précédé dans cette étude. Même pour des êtres avancés dans cette étude, c'est dangereux. Hazrat Inayat a raconté qu'un yogi avait découvert dans un livre un exercice auquel il se livra ensuite: quelque chose se rompit dans son cerveau et il en mourut. Certaines personnes qui avaient fait sans guide des exercices de souffle ont été, par là, ruinées dans leur santé, de corps et d'esprit. Evidemment, l'on peut pratiquer des exercices qui, de façon mesurée et prudente, font beaucoup de bien, mais, sans l'apprentissage auprès d'un guide et sans sa surveillance, c'est très dangereux. On cite par exemple, le cas d'une jeune fille qui avait vécu dans l'Inde; son père lui avait enseigné un exercice qu'elle avait pratiqué pendant vingt ou trente ans, et, au bout de ce temps, sa santé était ruinée ainsi que son équilibre d'esprit. Ce n'était pas que l'exercice fût nocif par lui-même, mais il fallait autre chose pour l'équilibrer.

 

Le souffle, avec chaque inhalation, monte jusqu'aux plans les plus élevés, et, avec chaque exhalation, s'avance dans le monde extérieur; ce qui fait que les mystiques l'ont comparé à une balançoire qui passe d'un côté et de l'autre. Les bienfaits que nous retenons généralement de l'action du souffle, c'est qu'il nous maintient en vie, qu'il assure la bonne santé de l'âme, la bonne santé du corps, le bon fonctionnement de toutes nos facultés; mais c'est quand on a observé son souffle qu'on en est devenu conscient.

 

En Orient, l'on dit qu'un maître du souffle fait comme une chevauchée sur un animal ailé qu'on nomme Garouda ou Bouraq (Allusion au  Meraj, ou Voyage Nocturne du Prophète Mohammed, qui chevaucha - dit la Tradition - un tel coursier pour visiter les Cieux.  (Note du Transcripteur). Le maître du souffle est censé monter sur le dos de cet animal ailé et s'élève dans le Ciel. Le corps du Bouraq représente notre corps physique, ses ailes représentent le pouvoir qu'a le souffle de faire monter notre conscience aux plans supérieurs.

 

Celui qui monte le Bouraq ne reçoit pas seulement les bienfaits de l'action du souffle, il passe aussi dans toutes les sphères intérieures, il reçoit l'inspiration et l'illumination, il demeure dans le plan extérieur ou s'il le veut dans le plan intérieur; il fait monter la conscience humaine du plan terrestre où elle se trouve habituellement jusqu'aux sphères les plus élevées. Le maître du souffle fait cette ascension, non pas une fois par hasard, mais quand il le veut.

 

L'entraînement du souffle demande de la persévérance, mais pas autant de persévérance et d'effort que n'exige l'apprentissage d'un métier ou d'un art. Par lui, l'on obtient des biens infiniment plus précieux que tout ce que la terre nous donne.

 

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[note] Ces éléments ne doivent évidemment pas être pris dans le sens uniquement matériel: éther ou espace, air atmosphérique etc. L'on ne doit pas non plus considérer que les dits éléments matériels sont pris comme simples symboles désignant des notions philosophiques héritées des traditions occultes. Hazrat Inayat Khan dans son enseignement nous invite au contraire à en constater la réalité et l'influence en nous et autour de nous, et éventuellement à en constater l'action dans tous les plans d'existence. Et le Maître cite Djalal-ud-Din-Roumi, disant que ce sont de grands Etres qui se tiennent au service du Créateur pour oeuvrer dans Sa création. Il n'y a donc pas de séparation en ce qui concerne ces éléments entre les différents "plans" d'existence. En haut ils se manifestent comme de grands Etres, en bas, ils modèlent la matière selon les éléments que nos sens constatent: élément solide, liquide, igné, gazeux... ou vide. (Note du transcripteur).

 

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