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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


LES DIVERS STADES DU DÉVELOPPEMENT SPIRITUEL 
Le Front Souriant
Chapitre 15
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

En sanskrit il y a trois termes différents: atma, qui veut dire l'âme ou une âme, mahatma, une âme élevée, un être illuminé, une personnalité spirituelle, paramatma, l'homme divin, la personne qui a réalisé le Soi, l'âme qui est "Dieu-consciente". Comme vous le lisez dans le Gayan: "Si seulement on l'explore, il y a beaucoup dans l'homme!", ainsi l'homme, pris dans le sens de "chaque homme", a dans les sphères spirituelles une très large possibilité de développement, une possibilité de développement qu'un esprit ordinaire ne peut imaginer. Le terme "homme divin" a toujours été relié à "homme", et il y a très peu de gens qui comprennent que cela veut dire "Dieu-homme". Cela pour la raison que certaines personnes portées à la religion se sont tellement séparées de Dieu qu'elles ont rempli le vide entre l'homme et Dieu avec ce qu'elles nomment religion, une croyance qui se tient pour toujours comme un mur de division entre Dieu et l'homme. A l'homme sont attribués tous les péchés et à Dieu toute la pureté. C'est une belle idée, mais bien éloignée de la vérité.

 

Maintenant, voyons ce qui concerne le premier terme que j'ai utilisé: Atma, qui veut dire l'homme. On peut diviser le genre humain en trois catégories principales. Dans l'une de ces catégories, l'homme est l'homme animal; dans une autre, il peut être un homme démon; et dans la troisième il peut être un homme humain. Un poète hindoustani a employé deux mots distincts pour distinguer cette idée, il dit:

"Il y a bien des difficultés dans la vie,
car il est même difficile pour un homme d'être une personne".

 

L'homme animal est celui qui s'intéresse seulement à l'aliment et à la boisson, et dont les actions ne diffèrent en rien de celles d'un animal qui se contente de satisfaire ses appétits naturels.

 

L'homme qui représente des qualités démoniaques est celui dont l'ego, le moi, est devenu si fort et si puissant - et par conséquent si aveugle - qu'il a presque complètement effacé tout sens de douceur, de bonté, de justice. C'est celui qui prend plaisir à faire mal à une autre personne, celui qui rend le mal pour le bien qui lui est fait, celui dont le plaisir consiste à faire ce qui est mal. Le nombre de ceux qui appartiennent à cette catégorie est grand.

 

Et puis il y a l'homme humain, chez lequel le sentiment est développé. Peut-être n'est-il pas, selon l'idée du médecin, un individu normal, mais du point de vue du mystique une personne qui possède un équilibre entre la pensée et le sentiment, qui est éveillée au sentiment d'un autre, qui est consciencieuse en tout ce qu'elle fait et quant à l'effet que cela produit sur les autres, cette personne commence à être une personne humaine. En d'autres termes: "Même pour l'homme, être un homme n'est pas une chose facile". Parfois cela prend toute une vie.

 

Il y a trois catégories de Mahatmas. Un Mahatma est occupé à lutter contre lui-même et à lutter contre les conditions qui sont devant lui et autour de lui. L'on pourrait demander: "Pourquoi cette lutte?". L'on peut répondre qu'il y a toujours conflit entre la personne qui désire s'élever et le vent qui la rabat vers le bas. Le vent qui rabat la personne vers le bas est continuellement ressenti. Il est ressenti à chaque instant par la personne qui fait un pas sur le chemin du progrès. C'est un conflit avec le moi, c'est un conflit avec les autres, c'est un conflit avec les conditions; des conflits qui viennent de toutes parts jusqu'à ce que chaque parcelle de ce Mahatma soit testée et éprouvée, jusqu'à ce que chaque parcelle de sa patience soit épuisée et son ego soit passé à la meule: une pierre dure changée en une pâte malléable, alors apparaît la personnalité du Mahatma. Comme un soldat à la guerre reçoit quantité de blessures et encore plus d'impressions qui restent dans son cœur comme des blessures, telle est la condition du guerrier qui foule le sentier spirituel. Tout s'élève contre lui: ses amis, qui peuvent ne pas le savoir, ses ennemis, les conditions, l'ambiance, le moi. Et par conséquent les blessures qu'il a à souffrir en passant par cette lutte et les impressions qu'il en reçoit font de lui une personnalité spirituelle, une personnalité qui devient une influence, un pouvoir, une personnalité à laquelle il est difficile de s'opposer, qui est irrésistible.

 

La catégorie suivante de Mahatma est celle qui apprend sa leçon par la passivité, la résignation, le sacrifice, l'amour, la dévotion et la sympathie.

 

Il y a un amour qui est comme la flamme d'une chandelle: soufflez et elle s'éteint. Elle ne peut durer qu'aussi longtemps qu'elle n'est pas soufflée, elle ne peut se maintenir si l'on souffle. Il y a un amour qui est comme le soleil qui se lève et atteint le zénith et puis se couche et disparaît. La durée de cet amour est plus longue. Et il y a un amour qui est comme l'Intelligence divine, qui fut, qui est et qui sera. La fermeture et l'ouverture des yeux n'affectent pas l'intelligence; l'allumage et l'extinction de la chandelle n'affectent pas l'intelligence.

 

Quand cela, qui à travers vents et tempêtes perdure, et à travers l'élévation et le déclin reste ferme - quand cet amour est créé - alors le langage d'une personne est changé; le monde ne peut le comprendre. Une fois que l'amour a atteint le Souverain de l'Amour, il est comme l'eau de la mer qui s'est élevée en vapeur, a formé des nuages au-dessus de la terre, et puis se déverse en pluie. Le déversement continuel d'un tel cœur est inimaginable; non seulement les êtres humains, mais même les oiseaux et les bêtes, doivent sentir son influence, son effet. C'est un amour qui ne peut être exprimé en paroles, un amour qui s'irradie, prouvant sa chaleur par son atmosphère. L'âme résignée du Mahatma peut paraître faible à quelqu'un qui ne comprend pas, car il prend la louange et le blâme de la même façon et il accepte tout ce qui lui est donné, la faveur et la défaveur, le plaisir et la souffrance, tout ce qui vient, avec résignation.

 

Pour la troisième catégorie de ces âmes élevées, il y a lutte d'un côté et résignation de l'autre et c'est une manière de progresser des plus difficiles: faire un pas en avant et un autre en arrière et continuer ainsi. Il n'y a pas de mobilité dans le progrès, car une chose est le contraire de l'autre. D'un côté, le pouvoir est à l'œuvre, de l'autre côté, l'amour; d'un côté la royauté, de l'autre l'esclavage. Comme l'a dit le grand Ghasnawi dans un poème persan: "Moi, en tant qu'Empereur, j'ai des milliers d'esclaves à mon commandement. Mais depuis que l'amour a éclairé mon cœur, je suis devenu l'esclave des esclaves". D'un côté l'activité, de l'autre la passivité.

 

Le premier exemple du Mahatma peut être appelé le Maître, le second le Saint et le troisième le Prophète.

 

Avec le Paramatma, nous en venons au troisième stade de l'éveil de la conscience et la différence qui en résulte est la suivante: l'être ordinaire, l'Atma, donne une plus grande importance au monde et une moindre importance à Dieu; l'être illuminé, le Mahatma, donne une plus grande importance à Dieu et une moindre importance au monde; mais le troisième, le Paramatma, donne ou ne donne pas d'importance à Dieu ou au monde. Il est ce qu'il est. Si vous dites: "Tout est vrai", il dira: "Oui, tout est vrai". Si vous dites: "Tout est faux et vrai", il dira: "Oui, tout est faux et vrai". Si vous dites: "Tout est faux et non vrai", il répondra: "Oui, tout est faux et non vrai". Son langage devient incompréhensible, vous ne pouvez qu'en être rendu perplexe, car la communication par le langage est meilleure avec quelqu'un qui parle votre langue. Si le mot de l'interlocuteur a un sens différent de celui que vous lui donnez, son langage sera aussi différent; ce sera une langue étrangère par rapport à celle que vous parlez dans votre vie de tous les jours. Le "oui" du Paramatma peut être un "non", son "non" peut être un "oui"; un mot ne veut rien dire pour lui, c'est le sens qui importe. Et ce n'est pas qu'il ait saisi le sens, il est le sens: il devient ce que l'autre homme poursuit.

 

Le terme bouddhique Nirvana veut dire le stade où un être arrive à la Dieu-conscience ou à la Toute-conscience. C'est à ce stade qu'une âme arrive. Et pourquoi est-ce que l'homme n'aurait pas ce privilège? Si l'homme n'avait pas ce privilège, comment Dieu l'aurait-il? C'est à travers l'homme que Dieu réalise Sa perfection. En tant qu'homme, Dieu devient conscient de Sa divinité, et c'est dans ce processus graduel (commencer comme une âme et arriver à cette réalisation qui fait de cette âme une âme divine) que réside le but de la Création. La Création entière est là pour amener cette réalisation. C'est cette réalisation qui est reconnue sous le nom de Rasoul ("l'accomplissement du dessein de Dieu").

 

Vous pourriez demander: "Si une seule âme est arrivée à cette réalisation, en quoi cela nous importe-t-il?" Mais ce n'est pas cette âme unique: c'est une et toutes à la fois.

 

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Le Front Souriant       Les âmes illuminées

 

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