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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


LE POUVOIR DE LA RÉPÉTITION
Le Palais des Miroirs
Chapitre 3
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

Une pensée peut être comparée au film projeté sur un écran. Ce n’est pas une image unique, mais ce sont les différentes parties de cette image qui, changeant à chaque instant, forment le film. Il en est de même pour la pensée. Tout le monde n'est pas capable de retenir, de façon continue, une image dans sa pensée. Le plus souvent, on forme une image en la complétant par un processus progressif. Ainsi, l'image produite par la pensée est constituée de plusieurs parties, et quand la pensée est achevée, ces différentes parties se rejoignent.

 

C'est sur cette notion que les mystiques ont fondé "Mantra Shastra", la science de l'influence psychologique des mots, que les soufis ont appelée "Wazifa". Car le seul fait de retenir une pensée dans le mental ne suffit pas pour se concentrer sur cette pensée. D'abord, tout le monde ne sait pas le faire; quelques-uns seulement sont capables de retenir une pensée comme une image. S'il y a une possibilité de rendre complète une pensée, c'est seulement par la répétition. C'est la raison pour laquelle l'art oriental procède de même: quand est créée, le long d'un mur, une bordure de roses, c'est afin que la rose reproduite vingt mille fois puisse créer, en un seul regard, l'image d'une rose dans toute sa plénitude. Si la pensée est sollicitée par trop d'objets, elle ne peut en retenir aucun. C'est pourquoi le moyen de contemplation adopté par les mystiques comme le meilleur est la répétition d'un mot suggérant une certaine pensée; un mot, qui, par sa répétition, évoque l'image d'une certaine idée.

 

Cependant, une seule répétition ne peut suffire. Pour graver une figure dans la pierre, il ne suffit pas de tracer une ligne au crayon, il faut la graver au burin. De même, afin qu'une idée soit vraiment imprimée profondément sur le subconscient, une gravure est nécessaire. Ceci se fait par la répétition d'un mot, évocateur de l'idée souhaitée. Aucune répétition n'est de trop, car chaque répétition, non seulement complète l'idée, mais elle l'approfondit, en apposant une impression nette sur le subconscient.

 

En dehors du processus mystique, on voit tous les jours des gens qui entretiennent des pensées de douleur, de haine, de désir ardent, de déception, d'admiration, d'amour, sans se rendre compte que cela agit intérieurement; et pourtant, cela produit une impression qui va se projeter sur toute personne rencontrée. On ne peut être qu'attiré par un être d'amour, et c'est sans se rendre compte que l'on se dirige vers une personne affectueuse. En présence de la haine, il est impossible de ne pas la voir. On ne peut ignorer une sensation de douleur provenant de quelqu'un, car la souffrance est gravée dans son cœur. Voilà le phénomène de réflexion d'un mental sur un autre.

 

Certains êtres travaillent ensemble, vivent ensemble toute leur vie, et peuvent néanmoins rester fermés l'un à l'autre. C'est ce même phénomène de réflexion. Si le cœur de l'un est fermé, son influence fait se fermer le cœur de l'autre. Une personne dont le cœur est fermé fera se fermer le cœur des autres où que ce soit. Même l'être le plus affectueux sentira, à son grand regret, les portes de son cœur se refermer, sans pouvoir l'empêcher, sans comprendre pourquoi. C'est un phénomène dont on n'est pas conscient.

 

C'est ainsi que deux personnes qui se rencontrent, ressentent sans même se dire un mot, agrément ou désagrément, affection ou irritation, harmonie ou trouble. Ce sont nos paroles qui cachent la réalité; sans quoi, le phénomène de ce monde de miroirs est tel que tout l'univers ne nous apparaîtrait que comme un palais de miroirs, l'un reflétant l'autre. Si nous ne le voyons pas, ce n'est pas que nous en sommes incapables; cela signifie seulement que nos yeux ne sont pas toujours ouverts, et ainsi nous demeurons dans notre ignorance.

 

S'il est vrai que l'univers est un palais de miroirs, il n'y a rien dans ce monde que l'on puisse cacher. Comme il est dit dans le Coran: "Au jour du jugement, vos mains et vos pieds porteront témoignage de vos actes". Mais chaque moment de la journée est un jour du jugement. Nous ne devons pas attendre le dernier jour pour nous en rendre compte. Nous le voyons constamment, et nous en avons l'expérience, mais nous n'y prêtons pas suffisamment attention. Chaque fois que nous éprouvons un sentiment de bonté, de bonne volonté envers un autre, ou d'irritation, de nervosité, d'antagonisme, une tendance hostile, nous ne pouvons l'écarter de cet autre. Cela suffit pour que nous connaissions cette vérité essentielle, la vérité absolue de l'univers entier, que la Source est Une, le But est Un, la Vie Une, et la multiplicité seulement son voile.

 

 

Question: Est-ce que le subconscient est individualisé?

Réponse: La surface du mental subconscient est individualisée, mais sa profondeur est universelle, absolue. Dans la profondeur du mental subconscient, chacun peut découvrir le mental ultime et absolu.

 

Question: Peut-on appeler "âme" le mental subconscient?

Réponse: Non. Le mental est toujours le mental; l'âme demeure toujours l'âme. Le mental est un instrument de l'âme, comme la machine est celui du machiniste.

 

Question: Si la profondeur de notre mental n'est pas individualisée, devons-nous essayer de l'individualiser afin d'acquérir la sagesse?

Réponse: Il vaudrait mieux essayer de faire le contraire. Tout, dans la vie, nous incite à individualiser. La notion d'individualité vient du mental, et l'on n'a pas besoin de faire quelque chose en ce sens. Ce qui est nécessaire est d'élever sa conscience de plus en plus haut, afin d'élargir son horizon.

 

Question: Est-ce que l'on peut parler de "propriétés" d'âmes individuelles?

Réponse: Je ne sais pas ce que vous voulez dire par "âmes". Dans ma terminologie, j'appelle "âme" ce qui ne possède aucune propriété. Si jamais elle en possédait une, c'est qu'elle serait devenue prisonnière de la propriété, et alors elle essayerait à chaque instant de s'en détacher. La "propriété" est une illusion que l'âme reçoit en possédant un mental et un corps, et aussi longtemps qu'elle conserve cette illusion, elle reste prisonnière. En réalité, cette propriété ne lui appartient pas, et elle n'appartient pas à cette "propriété". Comprendre cela est la motivation de l'ascète. Cependant, si vous me demandiez: "Est-il bon pour l'âme de posséder?", je dirais que le mieux pour l'âme serait de se rendre compte que toutes les propriétés lui appartiennent: plus vaste est la propriété qu'elle estime sienne, mieux cela vaut. La seule chose qui nuit à l'âme est d'être possédée par la propriété. Le Coran dit: "Nous avons fait tout ce qui est au ciel et sur la terre pour l'homme". S'il en est ainsi, il n'y a rien de bon ou de beau qui ne soit pour l'homme, et il n'y a pas de péché pour lui à posséder, aussi longtemps qu'il n'est pas possédé.

 

Question: Si une personne, dont le cœur est fermé, a projeté cet état sur quelqu'un d'autre, comment y remédier?

Réponse: Si quelqu'un vous jette un verre d'eau quand vous passez sous sa fenêtre, que faites-vous? Vous vous sauvez. C'est tout ce que vous pouvez faire pour éviter l'eau. Bien sûr, ceci est une réponse banale. La réponse véritable est que vous devez obtenir la clef de chaque cœur. En possession de la clef, vous pouvez l'ouvrir. Où trouver cette clef, direz-vous? Est-ce l'amour? Certes, le pouvoir de l'amour permet de tenir cette clef en main, mais la clef elle-même n'est pas l'amour: c'est la sagesse. Il y a beaucoup d'êtres pleins d'amour, qui néanmoins ne peuvent ouvrir le cœur d'autrui. Ils auraient le pouvoir de tenir cette clef en main, mais ils ne la possèdent pas. L'amour est un pouvoir, mais la clef est: tact, sagesse, compréhension de la psychologie d'autrui.

 

Question: Si deux fortes personnalités s'opposent l'une à l'autre, est-ce toujours la plus forte qui projette sa réflexion sur l'autre?

Réponse: Non. C'est celui qui, momentanément, se trouve dans un état négatif qui reçoit la réflexion projetée par celui qui est dans un état positif. Le plus souvent, les deux en sont inconscients. Le plus fort n'est pas tout le temps positif, et le plus faible n'est pas tout le temps négatif. Le mental de l'un agit sur celui de l'autre, sans qu'ils le sachent, et parfois ils n'en ressentent l'effet que plus tard.

 

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Le Palais des Miroirs

 

L'impression

 

La répétition

 

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