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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


L’IMPRESSION
Le Palais des Miroirs
Chapitre 4
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

L'impression faite sur le mental a un tout autre caractère que celui d'une empreinte apposée sur un objet. L'homme est vivant, donc créatif. Quelle que soit l’impression qu’il reçoive, le mental de l'homme ne retient pas seulement cette impression comme une pierre retient une gravure, mais il la reproduit plusieurs fois en un instant, et ainsi, il en garde l'impression bien vivante. C'est la vie de cette impression, maintenue dans le mental, qui devient audible au cœur, et ainsi nous ressentons tous, plus ou moins, la pensée ou le sentiment des autres: leur joie ou leur déception, leur plaisir ou déplaisir, car leur mental les répète continuellement.

 

L'impression ne reste pas figée dans le mental comme une image. La mémoire est un phénomène qui recrée tout ce que cette mémoire a reçu: non seulement les vibrations qu'elle a retenues, mais aussi les vibrations, les formes, qui y répondent. Par exemple, quelqu'un ressent une profonde impression de peur; aussitôt son mental se met à travailler pour matérialiser sa peur; son imagination la crée dans le rêve et dans l'éveil. On comprend facilement que la peur soit produite dans le rêve, mais comment peut-il en être ainsi à l'état d'éveil? Tout l'entourage de cette personne, amis, ennemis, circonstances, environnement, tout va prendre une forme qui effrayera le mental replié sur sa peur. Comme il est extraordinaire alors, ce plan du mental, qui est lui-même sa question et sa réponse! C'est ainsi que ceux qui craignent les souffrances les attirent particulièrement; ceux qui s'attendent à être déçus attirent la déception; l'échec vient parce que l'on a conservé l'empreinte d'un échec. Souvent les gens disent: "Jamais je ne réussirai. Tout ce que je fais tourne mal. Quelque chose ne va pas". Il est heureux qu'il y ait les astres auxquels ils puissent attribuer leurs misères, mais en réalité ces misères leur appartiennent; ce sont eux qui les entretiennent dans leur mental.

 

Quand quelqu'un pense constamment que rien ne peut arriver de bien, que rien d'heureux ne viendra, il va au devant de l'échec. Même si tous les astres du ciel lui sont favorables, il rencontrera l'échec. De cette façon, l'homme est le créateur de ce qu'il est, de son sort. Beaucoup de gens n'ont aucune perspective d'avenir. Cela veut-il dire que le monde, l'univers, soit si pauvre qu'il ne puisse pourvoir à tous leurs besoins? Il y a abondance, mais à force de penser qu'il n'y a pas d'issue, ils deviennent prisonniers de leurs pensées, et se désespèrent.

 

Lorsqu'un homme pense ou éprouve un sentiment, pensées et sentiments émanent de lui comme un parfum; il crée autour de lui une certaine atmosphère. Elle ne transmet pas uniquement ses pensées et sentiments aux autres, mais provoque une réponse. Prenez l'exemple de quelqu'un qui pense, en sortant de chez lui: "Je vais avoir un accident de voiture". Il se peut qu'il projette cette pensée sur un automobiliste qui en soit frappé: il y aura collision. Il en est de même pour le succès. Quand on sort en se disant: "Je suis sûr d'avoir du succès dans mes affaires", on attire tout ce qui contribuera au succès. Ceci ne nous prouve-t-il pas que nous vivons dans un monde de miroirs, et que ce phénomène est vivant, parce que les miroirs sont vivants? Dans ces miroirs, il n'y a pas uniquement projection et réflexion, mais il y a création: tout ce qui est projeté et réfléchi est en même temps créé, et se matérialise tôt ou tard.

 

C'est ici que le Soufi perçoit le secret du pouvoir, car, à côté du destin et de toutes les influences terrestres et célestes, il y a en l'homme un pouvoir de créer, qui agit. Chez une personne, cette faculté créative fonctionne peut-être à un pour cent, tandis qu'à quatre-vingt dix neuf pour cent son être travaille de façon mécanique. Une autre, qui est plus évoluée, fonctionne peut-être avec quatre-vingt dix neuf pour cent de pouvoir créatif, et avec un pour cent seulement de la partie mécanique de son être.

 

C'est cette partie mécanique qui est soumise aux conditions de l'environnement, et qui est impuissante. C'est là que se trouve l'essence divine.

 

 

Question: Est-ce par la voie des réflexions que l'on reçoit parfois l'avertissement d'un accident?

Réponse: Oui, cela arrive. Mais, quelquefois aussi, une diseuse de bonne aventure vous annonce un accident, une maladie, ou autre chose; et dans la vie de l'un, cela se réalise, dans la vie de l'autre, cela s'avère faux. Vous constaterez toujours que la prédiction s'accomplit dans la vie de la personne impressionnable, qui avait pris la chose à cœur. C'est pourquoi l'on dit en Inde, où la science de l'astrologie est si avancée que depuis des milliers d'années les gens en sont devenus dépendants: "Ne consultez jamais un astrologue sot. Il peut être un bon astrologue, mais s'il est sot, il pourra vous dire des choses qui vous impressionneront". Si l'on n'a pas été averti de cela, il peut arriver que l'on dise des choses à la légère; en plaisantant, on dit par exemple: "N'allez pas par-là, vous serez tué!". On n'y réfléchit pas, c'est une plaisanterie, mais cela peut produire une impression qui entraînera la mort de la personne.

 

Question: Si le pressentiment d'un accident provient vraiment de la pensée de quelqu'un d'autre, pouvons-nous éviter le danger en nous servant du pouvoir de nos propres pensées pour le contrecarrer?

Réponse: Cela est possible, à condition de savoir comment s'y prendre. C'est la pratique du refus qui fait partie de la méthode soufie. Il faut refuser les pensées et les impressions que nous ne désirons pas admettre, ne pas laisser notre mental être taché par les impressions dont nous ne voulons pas subir l'influence. Cela nous aidera à les éviter.

Nous devons surmonter toute impression qui peut nous nuire, à condition de savoir agir sagement envers les autres. En effet, il est possible, en ce qui nous concerne, que nous arrivions à la surmonter, à ne pas nous en soucier, ou à ne pas y croire, tout en nuisant aux autres. Si nous parvenions à tenir compte de toute impression que nous pouvons faire sur les autres, notre vie, et celle de nos amis, en seraient toutes différentes.

 

Question: Quand notre mental a pris l'habitude de ressasser automatiquement les mêmes idées, comment l'en débarrasser?

Réponse: En l'orientant dans une autre direction, qui l'intéressera davantage. Je me souviens de quelque chose qui peut illustrer ce que je viens de dire. Une jeune fille avait appris une nouvelle chanson dont les mots étaient: "Oh, combien soudainement mon destin a changé". Elle s'en était tellement éprise, qu'elle chantonnait et prononçait ces paroles toute la journée, allant et venant dans la maison. Et qu'arriva-t-il? En regardant du haut d'un balcon, elle tomba, et se tua. D'après ses amis, elle était particulièrement heureuse trois jours avant de commencer à chanter cette chanson.

Un autre exemple est celui de l'Empereur Zafir de Delhi, de la dynastie des Moghuls. C'était un grand poète, d'une grande classe, un maître des mots, d'une imagination magnifique et raffinée. Sa poésie, comme sa personne, ressemblait à une belle peinture, a une œuvre d'art. Comme il est naturel qu'un artiste, un poète, s'intéresse davantage à la tragédie qu'à la comédie, ce poète se mit à écrire les paroles d'une tragédie. Quelle en fut la conséquence? Quand son livre fut achevé, sa vie devint une tragédie. Il périclita, et la même tragédie qu'il avait écrite se répéta dans sa vie.

 

Question: Comment pouvons-nous effacer les innombrables images qui nous gênent?

Réponse: C'est là toute la méthode soufie: clarifier le mental. Cela peut se faire par la pratique de la concentration. Les chevaux sauvages ne viendront pas si vous les appelez; ils ne marcheront pas comme vous le voulez, parce qu'ils n'ont pas été dressés. Ainsi en est-il de nos pensées et imaginations: elles vont et viennent dans le mental, sans brides, sans rênes. Mais quand on les prend en main, on devient comme le dresseur du cirque qui commande au cheval de venir, et qui vient; il lui commande de s'en aller, et il s'en va; il commande au cheval de galoper ou de s'arrêter, et le cheval obéit. Il faut travailler sur ses pensées, comme un dresseur de cirque. C'est la première leçon, et la plus importante, que vous ayez à apprendre dans l'entraînement soufi. C'est la base de tout mysticisme, et la pratique de la philosophie: être capable de diriger vos pensées selon votre volonté. Quand vous voulez penser à une rose, un lys ne doit pas vous venir à l'esprit. Quand vous voulez penser à un cheval, un éléphant ne doit pas apparaître devant vous. Vous devez les écarter. Ceci vous apprend à faire naître une pensée, à la retenir, ainsi qu'à chasser toute pensée dont vous ne voulez pas. De cette façon, vous devenez maître de vos pensées, vous les dressez, vous les contrôlez, et ensuite vous pouvez vous en servir utilement.

 

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